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plus grandes fautes de ce prince. Tant qu’il eut à son service André Doria, qu’il avait fait son lieutenant-général dans la Méditerranée, François Ier y garda une supériorité qu’il perdit lorsque André Doria passa au service de Charles-Quint. Comment cette rupture fut-elle amenée? André Doria était un condottiere de mer en même temps qu’un grand patriote génois; il se mettait à la solde avec les galères qui lui appartenaient, et il portait un filial attachement à la république que plusieurs de ses ancêtres avaient illustrée par leurs victoires navales, et qu’il devait bientôt rendre indépendante au dehors et libre au dedans sous une forme de gouvernement destinée à durer près de trois siècles. Serviteur fidèle de la France, il avait à se plaindre de l’inobservation des engagemens pris à son égard par François Ier qui de plus avait offensé ses orgueilleuses susceptibilités. La solde qu’il devait recevoir et qui l’aidait à entretenir ses galères ne lui était pas remise exactement. Ces retards, dont il souffrait beaucoup, avaient été accompagnés d’autres sujets de mécontentement bien propres d’abord à relâcher les liens qui l’unissaient à la France, puis à les rompre. François Ier s’était autrefois emparé, sans lui en donner la rançon, des prisonniers faits par André Doria, et au nombre desquels était le prince d’Orange. Aussi, lorsque son neveu Philippino eut pris dans le golfe de Salerne le marquis del Guasto, le connétable de Naples Ascanio Colonna, tous les seigneurs et capitaines qui avaient combattu sur la flotte espagnole avec Ugo de Moncada, il refusa de les livrer au roi, qui les réclamait, et il les garda. Déjà le fier Génois n’avait pas vu sans en être blessé que François Ier, après l’invasion manquée de la Sardaigne, l’eût écarté d’une entreprise tentée contre la Catalogne et à laquelle il avait demandé de prendre part. « Nonobstant que j’aie la barbe blanche, lui avait-il écrit le 7 avril 1528, trois mois avant sa défection, il ne se trouvera personne ayant la connaissance ni le vouloir meilleur de moi, et m’est donné occasion de penser que vous ne vous souciez de mon service[1]. » Mais le plus fort de ses griefs vint de son patriotisme.

François Ier avait acquis pour la seconde fois la seigneurie de Gênes, que son prédécesseur le roi Louis XII avait à plusieurs reprises possédée et perdue comme lui. Il se méfiait de cette république inconstante, qui, livrée aux agitations et ne sachant pas se gouverner elle-même, changeait si fréquemment de maître. Au lieu d’en affermir la soumission par une protection habile, il l’inquiéta sur ses intérêts commerciaux et sur sa puissance maritime, dont

  1. Lettre d’André Doria à François Ier, du 7 avril 1528. — Mss. Dupuy, vol. 453, f° 141.