Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couleur, sa taille de nymphe, l’éclat de son teint, ses dents d’une blancheur non pareille, bref tous les dons d’une beauté fatale avaient déjà fixé sur elle les regards de maint prétendant. Plusieurs personnages importans, entre autres M. d’Avaux, l’avaient demandée à son père. Ce d’Avaux, second du nom, a aussi son portrait dans la galerie de Saint-Simon. Magistrat et diplomate, il effarouchait quelque peu ses collègues du parlement lorsqu’au retour des pays étrangers où il s’était doucement habitué à porter le titre de comte, on le voyait chercher à se maintenir en dehors de sa sphère naturelle, à mi-chemin de l’homme de robe et de l’homme d’épée. C’est lui qui plus tard, mieux informé que l’ambassadeur Barillon, dénonça vainement à Louis XIV les projets des révolutionnaires anglais, et qui, associé ensuite, comme ambassadeur du roi très chrétien, à la vaine tentative de Jacques II pour reconquérir en Irlande le sceptre des trois royaumes, vit encore une fois méconnaître par ce prince opiniâtre les vues les plus sages, les plus salutaires conseils; c’était, au dire des Mémoires, un fort bel homme et bien fait, galant aussi, ayant de l’honneur, l’esprit du grand monde, de la grâce, de la noblesse, de la politesse, et par malheur le prétendant qui lui fut préféré n’avait rien de tout cela. On nous le dépeint comme le plus maussade avorton qui se puisse imaginer. « De deux hommes tels que lui, on n’en pourrait faire un de belle taille. » Ajoutez à ceci un long nez, des jambes grêles, et de tous ces agrémens dotez un poitrinaire « attaqué d’un asthme qui ne le quitte presque point; » vous aurez entre le mari et la femme un de ces contrastes qui, selon l’humeur ou l’occasion, font rire ou pleurer les plus impassibles spectateurs.

Le mariage fait et parfait, quelques mois de tranquillité suivirent, pendant lesquels, si elle n’avait pas trop à se louer de son époux, Mme de Novion vécut dans la meilleure intelligence avec son beau-père. Celui-ci la comblait de prévenances et de caresses que leur caractère quasi-paternel faisait accueillir avec une respectueuse reconnaissance. Peu à peu, ce semble, ces innocentes familiarités d’un homme encore jeune et d’une personne aussi attrayante portèrent dans le cœur du premier une flamme coupable. Aimer sa bru, passe encore, semble dire notre narrateur, puisqu’il était si difficile de s’en défendre; mais dans une belle âme cette passion ne se fût point traduite par d’inexcusables persécutions... Petit comme son fils, mais assez bien pris dans sa taille, et doué d’une physionomie trompeuse, « puisqu’il est constant qu’il l’a bonne, » M. de Novion était homme d’esprit, ingénieux et généralement goûté dans le monde. Il est à croire que, dans la nouvelle situation où le plaçait un amour aussi nécessairement réprouvé, il dut être