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seule condition du mélange entre les hommes que le progrès peut s’accomplir pour les peuples et l’humanité tout entière. Les races, comme les corps chimiques, doivent se dissoudre pour former des combinaisons et acquérir des propriétés nouvelles. En entrant dans la société moderne, en dehors de laquelle ils vivaient autrefois, les Basques auront à sacrifier la pureté de leur type, leur bel idiome, les souvenirs de leur glorieuse histoire et peut-être jusqu’à leur nom ; nombre d’entre eux risqueront ainsi de perdre toute originalité native, et, n’ayant plus que des habitudes et des pensées d’emprunt, se rangeront dans ce troupeau vulgaire des hommes qui renoncent à toute initiative ; mais dans notre société demi-barbare où l’instruction n’est qu’à l’état d’ébauche, où les phénomènes sociaux les plus importans s’accomplissent encore comme au hasard, ce fait capital de l’absorption d’une race par les nations voisines ne saurait se produire sans porter aux populations de nombreux préjudices temporaires. En revanche, les Euskariens, appartenant désormais au monde moderne, se mettront, eux aussi, à l’œuvre commune pour le salut de tous, et par cela même ils entreront dans une civilisation bien supérieure à celle qui leur était spéciale. Maintenant ils n’ont plus à rechercher la liberté pour eux seuls : ce n’est point à titre de gentilshommes, reconnus comme tels par les fors et les traités, qu’ils ont droit au respect de leur personne, c’est en qualité d’hommes libres et d’égaux. Leur idéal ne se laisse plus enfermer dans l’étroit horizon de leurs montagnes, car ce n’est pas seulement sous le chêne de Guernica que justice doit être faite, mais bien sur tous les points de la terre où se trouve un groupe d’êtres humains.

D’ailleurs les qualités de la race euskarienne ne disparaîtront point par suite de la fusion des Basques avec les populations avoisinantes ; elles se répartiront sur un plus grand nombre d’individus et faciliteront le rapprochement entre les hommes. Ainsi le Béarnais, descendant des Ibères, mais comptant également parmi ses ancêtres des Celtes et des Romains, est l’intermédiaire naturel entre le Basque et les autres habitans du sud-ouest de la France. De même les Bordelais, à la figure si fine et si gracieuse, à la démarche si légère, sont pour la plupart non moins Ibères que Gaulois, et, par un phénomène fréquent dans toutes les races mélangées, il se rencontre souvent parmi eux des personnes rappelant d’une manière frappante le type des Basques pyrénéens. Si l’on trouve déjà quelque chose du Delaware et du Cherokee sous l’Américain du nord, bien que le sang des Peaux-Rouges soit mêlé pour une si faible proportion à celui des colons de toute race débarqués dans le Nouveau-Monde, combien plus l’influence ibérienne doit-