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la politique, l’agriculture, l’industrie, le commerce, l’administration, diffère de leur ancien état social. Néanmoins le fond même de l’eskuara n’est en rien changé par ces mots étrangers. Dans son grand dictionnaire, interrompu par la mort, Chaho voulait mettre à part tous ces termes d’origine latine ou romane, et réserver la place d’honneur aux seules racines inspirées par le génie national.

C’est uniquement dans les langues analogues par la formation des mots qu’il faut chercher à l’eskuara des élémens de comparaison : tels sont les idiomes de l’Oural, de l’Atlas et du nord de l’Amérique. Toutefois, en des appréciations de cette nature, il ne faut se hasarder qu’avec la plus grande réserve, car, ainsi que le disait Guillaume de Humboldt, « les langues n’étant qu’un même fonds d’idées exprimé par les mêmes sons, leurs points de contact paraissent toujours nombreux, et l’on n’est que trop disposé à y voir des preuves de parenté. » En effet, toutes les ressemblances que M. de Charencey et d’autres érudits ont signalées entre le basque et les langues ouraliennes, vogule, mordvine, ostiake, sont de celles qui doivent naturellement se produire entre deux idiomes arrivés au même degré d’évolution : les langues se divisant en trois grandes familles qui répondent chacune à un certain développement de la manière de penser chez les peuples eux-mêmes, il est évident que les divers rejetons de chacune de ces familles auront de nombreuses analogies dans leur mécanisme pendant les périodes correspondantes de leur durée. Les langues monosyllabiques, comme le chinois, peuvent se ressembler par quelques radicaux ; les langues agglomérantes, comme le basque, doivent employer souvent les mêmes procédés pour la juxtaposition des mots et des particules ; enfin les idiomes à flexions, arrivés à leur forme la plus parfaite, offrent également bien des analogies dans leur évolution finale : c’est ainsi que les divers phénomènes de la croissance, de l’épanouissement et de la fructification montrent parfois une si frappante similarité chez des plantes d’espèces complètement distinctes.

Si les dialectes de l’Oural et l’eskuara des Pyrénées offrent quelques traits parallèles dans leur structure grammaticale, on ne saurait donc s’en étonner et en conclure aussitôt que les idiomes proviennent de la même souche. Du reste, ces analogies, relevées avec le plus grand soin, ne sont point nombreuses, et l’on cite à peine deux ou trois racines communes entre les deux groupes de langues. En revanche, les dissemblances et même les contrastes abondent. Aussi M. de Charencey, que de précédentes études avaient amené à chercher une origine commune au basque et aux idiomes des Ostiaks et des Samoyèdes, reconnaît-il lui-même, avec une franchise et une