Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelques termes locaux. Le domaine de la langue basque commence à l’ouest, entre la petite ville de Portugalete, située sur le bord du golfe de Gascogne, et la capitale de la Biscaye, Bilbao, où cependant l’espagnol devient peu à peu l’idiome prépondérant, puis il pénètre au sud dans les vallées qui descendent de la chaîne des Pyrénées cantabres. Sur la pente méridionale de ces monts, la frontière des idiomes se recourbe par une ligne de niveau semblable à celle qui dans la Biscaye française longe la plaine de l’Adour, et laisse en dehors toutes les villes de l’Alava qui se trouvent dans la vallée de l’Èbre, Vittoria, Nanclares, Miranda. Au-delà du massif des hauteurs de Salvatierra, la vallée où l’on a construit le chemin de fer d’Alsasua à Pampelune appartient encore au pays basque ; mais la ville de Pampelune elle-même n’est euskarienne que par les souvenirs historiques, et plus à l’est les habitans de Monreal et de Lumbier ne connaissent plus l’antique langue ibérienne ; on la parle seulement dans les hautes vallées de Roncevaux, d’Orbaiceta, d’Ochagavia, de Roncal, et de ce côté le pic d’Anie est encore le point extrême au-delà duquel ne résonne plus la voix des « fils d’Aïtor. » Ainsi des quatre provinces euskariennes il en est deux, la Navarre et l’Alava, dont la plus grande moitié appartient au domaine de l’idiome castillan. Pour se rendre compte de ce phénomène, si considérable dans l’histoire de l’humanité, de la disparition graduelle d’une langue devant un dialecte vainqueur, il serait de la plus haute importance de tracer actuellement la limite certaine du basque; mais ce travail, personne ne songe à le faire. Il serait digne d’une société savante d’entreprendre cette délimitation statistique, de fixer ainsi bien des points obscurs et d’éviter dans l’avenir bien des discussions oiseuses provenant du manque de renseignemens exacts[1].

Quand le voyageur monte sur l’une des hautes cimes des Pyrénées occidentales, telle que la Haya, près d’Irun, l’Atchiola, non loin d’Elizondo, ou le mont d’Aphanicé, à l’est de Saint-Jean-Pied-de-Port, il a sous les yeux la plus grande partie du territoire occupé par les Basques de nos jours, et même dans le lointain il voit s’étendre des plaines et se dresser des sommets qui n’appartiennent plus à la patrie euskarienne. La surface éblouissante du golfe de Gascogne emplit un coin du tableau, et par sa grandiose uniformité contraste avec les hardis promontoires de la côte espagnole. Au nord, les rivages de France se recourbent en un gracieux demi-

  1. Lors du recensement de 1851, un géographe éminent de l’Allemagne, M. Hermann Berghaus, avait vivement insisté auprès du gouvernement français pour qu’on dressât la statistique des langues dans toutes les communes des Basses-Pyrénées, mais sa demande ne fut point accueillie.