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bilité exigent le plus de garanties. Aussi, pour être reçu underwriter, faut-il une recommandation signée par six membres de la confrérie. On saisira tout de suite l’importance d’un tel contrôle, si l’on songe que Lloyd’s, cet être de raison, ce mythe commercial, doit surtout sa réputation et son succès à l’intégrité des hommes qui le représentent en chair et en os. C’est la sévérité présidant au choix des associés qui fait ici la confiance du public. N’oublions point qu’il n’existe entre les underwriters aucune responsabilité matérielle, que chacun d’eux agit à ses risques et périls avec ses propres ressources ou avec celles de la compagnie d’assurances maritimes à laquelle il appartient, et que par conséquent les différentes parties du système ne se trouvent vraiment rattachées entre elles que par un lien moral. Les affaires de l’association sont gérées par un comité de douze membres, et l’un d’entre eux remplit les fonctions de président, chairman. Le comité choisit d’ordinaire pour son chef un grand marchand de Londres ayant un siège au parlement et occupant dans le monde une position éminente. Le personnel actif de l’établissement se compose ensuite de commis, de messagers et d’une certaine classe d’employés qu’on désigne sous le nom assez étrange de waiters (garçons), en souvenir du temps, il y a tout lieu de le croire, où Lloyd’s était un café. Grâce aux souscriptions et à quelques autres branches de revenu, cette association d’assureurs maritimes est extrêmement riche. Elle emploie une partie des fonds qui lui restent à soulager certaines souffrances causées par les désastres de mer, à défendre les matelots anglais contre les insultes des nations barbares, et surtout à récompenser ceux qui se distinguent en sauvant la vie des naufragés.

Établissement unique dans le monde, Lloyd’s nous représente bien tout ce que les ressources d’une grande nation commerçante peuvent fournir d’encouragement et de sécurité à la navigation. Et pourtant cette influence des capitaux serait encore peu de chose sans le concours des braves marins anglais. N’est-ce point sur eux que doit maintenant se porter notre attention? Nous étudierons d’abord le matelot à terre. Quel genre de vie mène-t-il dans les grandes villes, lorsque, sorti de son élément, il attend soit que son vaisseau retourne en mer, soit qu’un autre navire l’emploie à bord et le rejette sur l’océan, sa véritable patrie?