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politique. Il serait fort difficile, avec les pièces publiées, d’apprécier même par conjecture les influences décisives qui ont déterminé les événemens. Parmi ces papiers, il n’en est qu’un qui nous semble pouvoir donner à penser; il est bien court, c’est un simple télégramme de M. Benedetti. La France, on le sait, prêtait sa médiation aux belligérans. M. Drouyn de Lhuys avait envoyé le 14 juillet, dix jours après Sadowa, son projet des préliminaires de paix. Le 16 juillet, notre ambassadeur à Berlin adressait de Brünn à Paris le télégramme suivant : « Je considère comme certain que les propositions seront rejetées par le cabinet de Berlin, si l’Autriche ne consent pas à ajouter une clause qui assure à la Prusse quelques avantages territoriaux dont le résultat soit d’établir la contiguïté de ses frontières. » Cette dépêche peut apprendre aux clairvoyans combien il importe d’être avisé et prompt dans une négociation diplomatique poursuivie au feu de la guerre. Ainsi la Prusse ne demandait encore (et c’est à la France qu’elle le demandait par l’intermédiaire de notre ambassadeur) qu’à établir la contiguïté de ses frontières au moyen de quelques avantages territoriaux. Rien n’eût été plus facile à prévoir qu’une telle exigence, et la France, le 14 juillet, avait eu assez de temps pour tâter l’Autriche. Le vice de la configuration de la Prusse était la solution de continuité qui existait entre ses provinces orientales et ses provinces occidentales; on pouvait bien être sûr d’avance que la Prusse victorieuse tiendrait absolument à réparer cette difformité territoriale. Or, d’après les termes de la dépêche de M. Benedetti, on eût pu alors la contenter à peu de frais. Il eût suffi de poser dans les préliminaires le principe de la contiguïté des frontières prussiennes, et de limiter les avantages territoriaux à une bande unissant les deux parties de la Prusse, qui n’aurait pas dû dépasser un certain nombre de lieues en largeur, et comme population un nombre déterminé d’habitans. En ce moment où elle ignorait encore jusqu’où devait aller la résignation de l’Autriche, la cour de Berlin aurait probablement accepté une pareille proposition. On aurait pu prévenir ainsi les importans accroissemens de territoire et de population que le négociateur autrichien livrait à la Prusse dès son arrivée au quartier-général prussien. On aurait pu conserver par une résolution prévoyante et prompte un reste d’autonomie à certains districts de l’Allemagne septentrionale; on aurait pu surtout sauvegarder l’indépendance de Francfort. Quand on voit ce qui s’est passé depuis, si petit qu’il fût, c<! succès diplomatique n’était point à dédaigner.

La Prusse poursuit le cours de ses prospérités. Les circonstances au milieu desquelles le parlement fédéral s’est ouvert, le discours prononcé par le roi démontrent que le mouvement commencé n’est point près de rencontrer des obstacles. La harangue royale est remarquable par la vigueur de l’accent patriotique et par une cordialité qui ne peut manquer d’émouvoir les âmes allemandes. Sans doute le projet de constitution de la confé-