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annoncées et sur la portée de ces mesures, une chose est certaine, c’est que l’acte du 19 janvier doit être l’origine d’un nouveau système politique. Il eût valu la peine d’embrasser ce système dans son ensemble et d’obtenir par une investigation raisonnée de l’opposition libérale une interprétation complète du gouvernement. Il y a trois choses dans les mesures du 19 janvier : une nouvelle réglementation du débat parlementaire par la substitution du droit d’interpellation au droit d’adresse, la presse rétablie dans le droit commun, l’inauguration du droit de réunion, notamment à l’occasion des élections. Le principal résultat du nouveau système est bien moins l’abolition du droit d’adresse que le régime légal donné à la presse et le droit de réunion reconnu aux électeurs. Cependant la chambre s’est montrée égoïste : elle n’a prêté son attention qu’à la mesure qui la concernait, elle n’a discuté que la substitution du droit d’interpellation au droit d’adresse. Enfermé dans ces limites, le débat avait un caractère artificiel, et se heurtait nécessairement aux prescriptions constitutionnelles et aux sénatus-consultes qui ont attribué au pouvoir exécutif la réglementation des travaux parlementaires. Là sont apparues toutes les contradictions théoriques qui naissent des excès de la réglementation, provoquent des controverses abstraites et jusqu’à un certain point stériles, car l’antagonisme des principes absolus n’admet point de transaction. L’empereur, a-t-on demandé, avait-il le pouvoir de retirer le droit d’adresse par un simple décret ? Si l’on répond par l’affirmative, où est la sécurité de la chambre, sur quelle base repose la stabilité de ses attributions, puisqu’un décret pourra toujours lui reprendre ce qu’un autre décret lui aura donné ? Le génie logique de notre pays ne s’accommode point de ces contradictions. Au point de vue pratique même, on ne comprend point que la chambre, qui, comme M. Rouher l’a proclamé, a une autorité si grande, qui par exemple peut, par le refus de l’impôt, paralyser le pouvoir exécutif, ne soit pas maîtresse des formes et des objets de ses délibérations, et soit privée de la faculté de présenter des adresses au chef de l’état. L’histoire d’ailleurs s’élève autant que la logique contre cette anomalie. Le premier usage que les assemblées représentatives ont fait de leurs libertés a toujours été de rédiger des adresses au pouvoir monarchique. Sous les rudes Tudors, sous les tyranniques Stuarts, on voit sans cesse « les pauvres communes d’Angleterre présenter des adresses à sa majesté. » Cette question de l’adresse n’a donc guère été envisagée au corps législatif que par le côté abstrait du droit constituant. Elle a été traitée à ce point de vue par M. Jules Favre avec l’élévation de pensée et l’éclat d’éloquence qui distinguent ce grand orateur ; mais le débat n’a fait que mettre en lumière l’antagonisme des principes : il ne pouvait les concilier, puisque la lettre de la constitution et des sénatus-consultes est une limite où vient expirer l’autorité de la chambre représentative. Une mesure qui, dans la pensée apparente du gouvernement, n’avait qu’un intérêt pratique, la netteté et la précision des débuts