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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1867.

Ce n’est point aux partisans du progrès des institutions publiques de juger avec découragement et amertume les incidens auxquels nous assistons depuis un mois. Plusieurs de ces incidens, nous en convenons volontiers, ont présenté une apparence bizarre, illogique, contradictoire avec le programme du 19 janvier. Il ne faudrait point s’en scandaliser outre mesure. Ce qu’on doit se dire en regardant d’un peu haut ces tâtonnemens et ces faux pas, c’est que nous traversons une période d’enfantement, et que personne, — pas plus le gouvernement, ses organes et ses défenseurs habituels que l’opposition libérale elle-même, — n’a pu se conformer du premier coup aux allures du nouveau régime dont on a proclamé l’inauguration. Ceux qui ne se laissent point ébranler par de petites déceptions et des dépits passagers doivent considérer sans surprise et de sang-froid les difficultés d’une situation transitoire. Un personnel gouvernemental ne se défait point en un jour, dans son langage et dans sa conduite, des habitudes du pouvoir discrétionnaire. On ne dépouille point le vieil homme par des transformations soudaines. Nous poussons si loin la manie des prévisions écrites dans notre droit politique, nous avons tant accumulé les restrictions réglementaires, que les libres mouvemens de l’activité publique auront à lutter contre les débris de ces entraves longtemps même après qu’elles auront été renversées. Les efforts tentés, il y a quinze années, pour couvrir la réalité du pouvoir dictatorial des formes et des apparences libérales et démocratiques ont mis dans les choses et les mots des contradictions singulières qui ne disparaîtront que devant les nécessités pratiques. La plus énorme de ces contradictions n’éclatait-elle point par exemple à la racine même des institutions ? D’un côté le suffrage universel était établi comme le principe de la souveraineté actuelle, et d’un autre côté, les libertés de la presse et de réunion faisant défaut, le suffrage universel de-