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réponds que ces os sont souvent fendus en long, comme les Lapons les fendent encore aujourd’hui pour en extraire la moelle; ils présentent des traces d’incisions faites pour détacher la chair ou la peau. Les sceptiques n’ont pas été convaincus; mais voilà que sur des palmes et des bois de renne on a reconnu des portraits de ces animaux vivans, admirablement ressemblans; sur une lame d’ivoire, on remarque le profil de deux éléphans avec leurs défenses recourbées et le corps couvert de longs poils comme ceux qu’on a trouvés ensevelis en chair et en os dans la terre gelée du nord de la Sibérie; enfin sur un fragment d’ardoise M. Garrigou a vu et reproduit par la photographie le profil d’un ours au front bombé comme celui des cavernes. Le doute n’était plus permis, et il est actuellement prouvé qu’à l’époque où les glaciers des Pyrénées touchaient aux plaines environnantes des sauvages semblables aux Esquimaux habitaient les cavernes du Périgord et du pied des Pyrénées, vivaient de la chasse des éléphans, des rhinocéros, de la hyène et de l’ours des cavernes, se fabriquaient des vêtemens avec leurs peaux et des instrumens avec leurs os et leurs cornes. Les animaux polaires, mammifères et oiseaux, s’étaient avancés comme les plantes jusqu’aux Pyrénées, dont le climat était analogue à celui des régions où ils se sont maintenus jusqu’au temps présent. Ainsi non-seulement nous sommes sûrs que l’homme existait pendant la seconde époque glaciaire, mais nous savons quels étaient les animaux dont il se nourrissait, et nous avons sous les yeux des preuves de son industrie et quelques essais de dessin et de sculpture où l’on reconnaît déjà les germes de talens qu’une civilisation plus avancée n’eût point laissés dans l’état rudimentaire où ils sont restés. L’art ancien et moderne était contenu virtuellement dans ces premières ébauches des contemporains d’une faune, d’une flore et d’un climat qui ne sont plus.

Depuis que M. Boucher de Perthes a signalé comme œuvres de l’industrie humaine les silex taillés qu’il a découverts dans le diluvium ou terrain déposé par les eaux dans la vallée de la Somme, on en a retrouvé de semblables dans les terrains analogues de presque toute l’Europe. Ces instrumens, œuvres de peuplades grossières encore bien rapprochées de l’état sauvage, caractérisent l’âge de pierre de la civilisation humaine. Pour dire si ces hommes étaient antérieurs ou postérieurs à ceux qui ont précédé la seconde époque glaciaire ou s’ils étaient leurs contemporains, il faudrait savoir si dans chaque localité ces terrains de transport sont antérieurs, postérieurs ou intermédiaires aux deux époques glaciaires. Lorsque l’on est loin des anciennes moraines, l’affirmation est difficile; néanmoins l’analogie semble démontrer que toutes ces peuplades vivaient en Europe pendant une même période géologique intercalée