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géologie nous apprend que les types supérieurs du règne animal ont toujours été en se perfectionnant depuis les temps les plus anciens jusqu’aux plus modernes, et si nous devons juger de l’avenir par le passé, le roi du monde organisé qui doit succéder à celui qui nous entoure sera un être semblable à l’homme, mais plus parfait, plus intelligent que lui. Les religions sémitiques ont eu cette intuition, et les anges sont des conceptions dont l’histoire naturelle n’autorise pas à nier la réalisation future. Nous savons aussi pertinemment que l’homme n’est point le dernier-né de la création. Depuis sa venue, l’aspect de la nature a changé bien des fois sans qu’il en ait eu conscience. Être d’un jour, il ne voit la fin de rien, et la physique du globe qui s’efforce d’enregistrer ces changemens à mesure qu’ils se produisent ne date que d’hier : elle n’a point d’archives comme celles de l’histoire des sociétés humaines.

Je ne traiterai pas d’une manière générale la question de l’antiquité de l’homme. Les travaux de M. Littré[1], les ouvrages de M. Lyell[2], celui de sir John Lubbock[3], la publication périodique de M. Mortillet[4], renferment les documens les plus importans sur ce sujet. Mon seul but est de montrer que l’homme était contemporain de la seconde époque glaciaire. Nous avons parlé des osars de la Suède, ce sont des bancs de sable émergés couverts de blocs erratiques que les glaces flottantes ont déposés à leur surface pendant la longue période où les glaciers venaient aboutir au rivage. La côte était alors enfoncée dans la mer, mais en se relevant lentement elle a mis à sec les bancs de sable sous-marins de l’époque glaciaire. Dans le courant de l’année 1819, en creusant un canal de communication entre le lac Maelar près de Stockholm et la Baltique, on traversa près du village de Soedertelje un osar couvert d’arbres séculaires. Les déblais de la tranchée mirent à découvert dans le sein même du monticule, et à 18 mètres au-dessous de sa surface, la charpente en bois d’une hutte renfermant un cercle de pierres, foyer rustique dans lequel se trouvaient des bûches en partie carbonisées. En dehors de la hutte, on découvrit des branches de pin coupées et préparées pour alimenter le feu. Quelques débris d’embarcations dont les parties étaient assemblées par des chevilles en bois furent trouvés non loin de là également dans un osar[5]. Les conséquences de ces faits sont évidentes. Quand un pêcheur habitait cette cabane, la côte suédoise était émergée. En-

  1. Voyez, dans la Revue du 1er mars 1858, l’Étude d’histoire primitive de M. Littré.
  2. L’Ancienneté de l’Homme prouvée par la Géologie, traduction de M. Chaper, 1864.
  3. L’Homme avant l’histoire, traduit de l’anglais par M. Ed. Barbier, 1867.
  4. Matériaux pour servir à l’histoire positive et philosophique de l’homme, 1865-1867.
  5. Voyez, pour plus de détails, Charles Lyell, On the proofs gradual rising of the land in certain parts of Sweden, 1835.