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bles à 470 mètres au-dessus de la mer. Ce même fiord ayant en cet endroit 375 mètres de profondeur, il en résulte que l’épaisseur du glacier était de 850 mètres, si, comme ceux du Groenland, il descendait sans se fondre dans une mer dont la température était inférieure à zéro. Ce chiffre ne doit pas nous effrayer; M. Rink[1] a vu dans le pays que nous venons de nommer des glaciers de 630 mètres de puissance. Si au contraire la température de la mer était supérieure à zéro, comme elle l’est sur les côtés du Spitzberg pendant l’été, alors l’ancien glacier du Hardangerfiord fondait au contact de l’eau, et ne conservait qu’une épaisseur de 470 mètres. Au Spitzberg, il existe des glaciers dont l’escarpement terminal s’élève à 120 mètres au-dessus de l’eau qu’ils surplombent.

Tous les naturalistes voyageurs ont retrouvé ces stries glaciaires sur le large plateau qui sépare la Suède de la Norvège, et dont la hauteur moyenne est de 1,000 mètres environ au-dessus de la mer. On les observe jusqu’à cette altitude partout où la roche est à nu et non décomposée par l’action séculaire des agens atmosphériques. Sur quelques points, des raies ont été signalées à des hauteurs supérieures à 1,000 mètres; M. Siljestroem en a trouvé sur les flancs du Sneehaetten à 1,234 mètres, M. Keilhau à 1,800 mètres, sur le plateau entre Halingdaler et Hardanger. Ces faits concourent à prouver qu’à l’époque glaciaire une calotte continue recouvrait le grand plateau Scandinave. L’envahissement des glaciers se compliquait encore d’un autre phénomène, celui des oscillations du sol. Déjà en 1731 l’astronome suédois Celsius et le grand naturaliste Linné traçaient une marque coïncidant avec le niveau de la mer sur un rocher de l’île de Loeffgrund, située en face de Geffle, dans le golfe de Bothnie. Treize ans plus tard, la marque était à 0m, 18 au-dessus du niveau de l’eau, ce qui indiquerait un soulèvement lent de la côte de 1m,385 par siècle sur ce point du littoral suédois[2]. L’académie de Stockholm, poursuivant les observations de ses illustres membres Celsius et Linné, s’est assurée que ce mouvement ascensionnel se continuait de nos jours : il remonte fort loin dans la série des siècles. En effet, on trouve le long de la côte suédoise, dans l’intérieur des terres, des monticules à base elliptique dont le grand axe est parallèle au rivage. Ils sont de forme arrondie et se composent en entier de sable, de gravier, de cailloux et de coquilles brisées. A la surface de ces monticules gisent de gros blocs erratiques d’une structure minéralogique différente de celle des roches de la contrée voisine. En suédois, on donne à ces collines le nom d’osars, nom que les géologues ont adopté. Le plus célèbre

  1. Description du Groenland, t. Ier, p. 14
  2. Voyez, dans la Revue du 1er janvier 1865, le travail de M. Elisée Reclus sur les Oscillations du sol terrestre.