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avantage, qui est le principal, j’espère que Dieu, vrai juge de toutes choses, me donnera ce qui en succède ordinairement, qui est la victoire. »

Le héraut d’armes Bourgogne eut même quelque peine à pénétrer en France et à se faire admettre auprès du roi. Il attendit plus d’un mois et demi à Fontarabie le sauf-conduit qui avait été demandé pour qu’il vînt remplir son office. Après de longs retards, et lorsqu’il eut affirmé à plusieurs reprises qu’il portait l’assurance du camp, ce sauf-conduit lui fut enfin envoyé de Fontainebleau le 1er août ; mais le gouverneur de Bayonne Saint-Bonnet le retint encore jusqu’au 10, et le 20 seulement le héraut d’armes de Charles-Quint, escorté par le capitaine du château vieux de cette ville, put se mettre en route pour se rendre auprès de François Ier[1]. Arrivé à Étampes le 2 septembre, il attendit encore bien des jours le roi, qui chassait le cerf dans les forêts voisines. Il n’entra dans Paris que le 9 septembre, conduit par deux gentilshommes qui ne lui permirent pas de se revêtir de sa cotte d’armes et le logèrent au cloître Notre-Dame, où ils le mirent sous la garde de deux archers ayant l’ordre de ne le laisser parler à personne. Enfin le 10 septembre, François Ier s’étant rendu dans la grande salle du palais, accompagné des princes du sang, des seigneurs de sa cour, des gens de son conseil et de beaucoup de gentilshommes, le roi d’armes de Charles-Quint fut solennellement admis devant lui[2].

Après que le héraut Bourgogne eut fait les révérences d’usage, François Ier, sans lui donner le temps de parler, lui dit : — « Roi d’armes, m’apportes-tu l’assurance du camp, comme je l’ai écrit dans mon cartel à l’empereur ton maître, réponds-moi ? — Oui, sire, répondit le roi d’armes ; plaise à votre majesté que je fasse mon office et que je dise ce qui m’a été commandé par l’empereur mon maître. — Non, ajouta le roi, si tu ne me donnes pas, signée de ta main, la patente contenant l’assurance du camp, et rien autre, comme tu sais bien que l’indique ton sauf-conduit. » Le héraut, cherchant à remplir son office ainsi qu’il en avait reçu l’ordre, dit alors : — « Sire, la sacrée majesté de l’empereur… » Mais il fut interrompu par le roi, qui ajouta brusquement : — « Je te dis de ne me parler d’aucune chose ; je n’ai rien à faire avec toi, je n’ai à faire qu’avec ton maître. Quand tu m’auras donné son cartel et que le camp sera bien assuré, je te donnerai permission de dire ce que tu demanderas, mais pas autrement. — Sire, continua Bour-

  1. Voyez les diverses lettres d’Anne de Montmorency, de Clermont, gouverneur de Languedoc, de Saint-Bonnet, gouverneur de Bayonne, du héraut d’armes Bourgogne et de François Ier. Ibid., p. 413 à 424.
  2. Relation faite à l’empereur par le héraut d’armes Bourgogne. — Dans Sandoval, Historia del emperador Carlos V, t. Ier, lib. XVI, p. 886 à 888.