Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protestations, Charles-Quint alla jusqu’à des offenses. Les paroles outrageantes dont il s’était servi contre François Ier, le président de Calvimont avait paru ne pas les ouïr, et avait eu la prudence de ne pas les transmettre. Sommé de le faire alors, Jean de Calvimont répondit sagement, mais vainement, qu’il n’en avait pas conservé la mémoire. Charles-Quint rendit l’offense plus grave et tout à fait avérée en adressant la lettre suivante à l’ambassadeur de François Ier : « Vous ne voulez avoir souvenance de ce que je vous dis pour en avertir le roi votre maître. Je vous dis que le roi votre maître avoit fait lâchement et méchamment de n’avoir gardé la foi que j’ai de lui selon le traité de Madrid, et que, s’il vouloit dire le contraire, je le lui maintiendrois de ma personne à la sienne. Ce sont les mêmes paroles que je dis au roi votre maître à Madrid, que je le tiendrois pour lâche et méchant, s’il me failloit de sa foi que j’ai de lui. En les redisant, je lui garde mieux ce que je lui ai promis qu’il ne fait à moi. Je le vous ai écrit, signé de ma main, afin que d’ici en avant, vous ni autre n’en fassiez doute[1]. »


VII.

Il n’y avait plus en effet pour l’ambassadeur possibilité de rester dans le doute et de laisser le roi dans l’ignorance. Dès qu’il connut les altières réponses que l’empereur avait adressées aux déclarations des deux hérauts d’armes et surtout les injurieuses paroles qu’il avait répétées contre lui, et qui étaient à la fois un affront et une provocation, François Ier se hâta de repousser l’affront par le démenti le plus blessant et de répondre à la provocation par un cartel. Il le fit avec éclat aussi, en présence de toute sa cour, et devant l’ambassadeur de Charles-Quint, Nicolas Perrenot, seigneur de Granvelle[2]. Assis sur son trône, entouré des princes du sang, des cardinaux, des prélats, des seigneurs de son royaume, des of- ficiers de sa couronne et des gens de son conseil, il donna audience de congé à Granvelle, détenu un moment au château de Vincennes comme prisonnier en représailles de l’arrestation passagère des am- bassadeurs de France et des puissances confédérées, confinés par ordre de Charles-Quint dans des forteresses voisines de Burgos[3]. Après qu’il eut exprimé à Granvelle le regret d’avoir été réduit par les procédés de l’empereur son maître à imiter un acte aussi con-

  1. Lettre de l’empereur à Jean de Calvimont, ambassadeur de France, du 18 mars 1528. Ibid., p. 349 et 350.
  2. Audience de congé donnée par le roi à Nicolas Perrenot de Granvelle, ambassadeur de l’empereur. Ibid-, p. 350 et 351.
  3. Della vita e delle opère di Andrea Navagero, p. 202, 203 et 343.