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tier. François Ier occupait le comté d’Asti, la ville de Savone et la république de Gênes. Sauf Milan et Côme, que gardait Antonio de Leyva avec un corps de troupes assez peu considérable, Francesco Sforza était rentré en possession de tout son duché. La république de Florence, soustraite à la dépendance des Médicis, avait pris les armes en même temps qu’elle avait recouvré sa liberté, et elle était entrée avec ardeur dans la ligue franco-italienne. A l’approche de Lautrec et de son armée, qui avaient pénétré dans les états pontificaux, le duc de Ferrare, toujours prêt à changer de parti selon ses intérêts ou ses craintes, avait délaissé les Espagnols menacés, comme il avait abandonné naguère les Français vaincus, et il s’était joint à la ligue. Pour prix de sa défection envers l’empereur et en récompense des services qu’il promettait de rendre au roi, de grands avantages lui avaient été accordés, et son fils Hercule d’Este avait obtenu la main de Renée, fille de Louis XII et belle-sœur tendrement chérie de François Ier, qui lui donnait le comté de Chartres en dot. Cédant à des considérations semblables, le marquis de Mantoue, Frédéric de Gonzague, était sorti de la neutralité qu’il avait observée jusque-là, et il s’était enrôlé dans la confédération en progrès. Du pied des Alpes aux bords du Tibre, toute l’Italie était ouvertement déclarée, et dans sa marche victorieuse l’armée française semblait prête à attaquer dans Rome les impériaux affaiblis, et à s’emparer même du royaume mal défendu de Naples.

Charles-Quint, que ces rapides changemens dans la face des choses agitèrent sans l’intimider[1], s’appliquait à accroître ses forces dans la péninsule qu’on voulait lui arracher, et qu’il était résolu à ne pas perdre. Il ordonna une forte levée de lansquenets, qui de l’Allemagne iraient, sous le duc Érich de Brunswick, aider Antonio de Leyva à reprendre la Lombardie, et marcheraient ensuite au secours du royaume de Naples. Il eut recours à toute sorte d’expédiens pour se procurer l’argent qu’exigeait la continuation de la guerre, et que lui avaient refusé les cortès de Castille assemblées à Valladolid. Il donna le commandement de l’armée impériale, qui restait sans chef dans Rome, au prince d’Orange, qu’il nomma son lieutenant-général comme l’avait été le duc de Bourbon. Il fit de l’entreprenant Ugo de Moncada le successeur de Lannoy dans la vice-royauté de Naples. Il pressa la conclusion de l’accord avec Clément VU afin que le pape redevînt libre sans pouvoir redevenir hostile, et que, déchargé lui-même de l’animadversion que lui faisait encourir dans le monde chrétien la captivité du souverain pon-

  1. Dépêche de Navagero, de Burgos le 25 octobre 1527. — Vita, etc., p. 200, c. 2, et not. 258.