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une fois défaite et le royaume conquis, il ne restera plus que la Lombardie, dont il vous sera facile de vous rendre maître, et il en résultera pour vous une gloire immortelle[1]. »

Ce plan, assez en accord avec la mission que Lautrec avait reçue, ne fut suivi par lui qu’en partie, et peut-être pas assez diligemment. Lautrec, arrivé le 16 juillet 1527 à Lyon, le 26 à Grenoble, était descendu le 30 de l’autre côté des Alpes par le pas de Suse, et s’était avancé dans le comté d’Asti. Attaquant d’abord les impériaux dans les plaines du Piémont et de la Lombardie, il leur enleva en assez peu de temps la plupart des villes qu’ils y occupaient et qu’ils défendirent faiblement. Il se porta d’abord vers le château de Bosco, où le comte de Lodron, qui commandait à Alexandrie, avait mis douze cents lansquenets. Après quelques jours d’une vive canonnade, il contraignit les lansquenets à se rendre. Il alla assiéger ensuite la forte place d’Alexandrie, la battit en brèche dans les premiers jours de septembre, et réduisit le comte de Lodron, étonné de l’impétuosité de cette attaque, à capituler. Il remit la ville au duc Sforza, se dirigea vers Vigevano, qu’il prit, s’empara de toute la Lomelline, passa le Tessin, occupa Abbiate-Grasso, qu’il laissa également entre les mains du duc Sforza, et opéra sa jonction avec les troupes vénitiennes. Il parut de là se porter sur Milan, où s’était enfermé Antonio de Leyva, et, descendant tout d’un coup sur Pavie, que défendait le comte Ludovic Belgiojoso avec une garnison affaiblie, il l’attaqua du côté de la citadelle, tandis que les Vénitiens l’attaquaient du côté opposé. Après une furieuse batterie, la brèche étant devenue praticable, l’assaut fut donné et la ville emportée. Lautrec la laissa piller par ses soldats, qui voulaient même la brûler en châtiment de la longue résistance qu’elle avait opposée deux années auparavant à François Ier, et en représailles de la désastreuse défaite essuyée devant ses murailles le 24 février 1525.

Ces succès en Piémont et en Lombardie n’avaient pas été les seuls. Un important avantage avait été obtenu sur la côte ligurienne. Déjà l’année précédente la ligue avait occupé Savone, et s’était emparée de Porto-Fino, de Porto-Venere et de la Spezzia ; mais la ville de Gênes, que les navires confédérés de la France, de Venise et du saint-siège avaient bloquée sans pouvoir la prendre, restait toujours gouvernée par le doge Antoniotto Adorno, et soumise au parti impérial. Elle fut alors serrée de très près. Le plus habile marin de ce temps, André Doria, était rentré au service du roi en cessant d’être à celui du pape. François Ier l’avait pris à la solde de 36,000 écus, avec les huit grandes galères[2] qu’entretenait

  1. Acciajuoli à M. de Lautrec ; Paris, 27 juillet 1526, Négociations, etc., vol. II, p. 978.
  2. « Questa Maestà Cristianissima, trovandosi messer Andrea Doria senza partito, lo ha condotto alli stipendi suoi con otto galère e con trenta sei mila sciuli l’anno. » Acciajuoli aux dix, lettre du 13 juillet 1527. — Négociations, etc., vol. II, p. 974.