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qui le décidèrent à s’engager de plus en plus dans ces voies, il y fut poussé par des motifs particuliers. Il s’était épris de la fille d’un de ses conseillers, de la célèbre Anna Boleyn, et, ne pouvant pas en faire sa maîtresse, il songeait à en faire sa femme. Il fallait auparavant se séparer par un divorce régulier de Catherine d’Aragon, tante de Charles-Quint, qu’il avait épousée après qu’elle avait été mariée avec le prince de Galles son frère. Il avait conçu depuis peu des scrupules sur la validité religieuse de ce mariage, qu’avait cependant autorisé une dispense du pape Jules II, mais qu’interdisait formellement une disposition du Lévitique. Il projetait de le faire rompre, peut-être moins pour calmer les inquiétudes tardives de sa conscience que pour contenter une passion alors dans toute sa force. Afin d’exécuter ce dessein tenu fort secret, il avait besoin de l’appui du roi de France et de l’approbation du souverain pontife. Il était donc très porté par la passion de son cœur, comme il y était disposé par les intérêts de sa politique, à s’unir de plus en plus avec François Ier, , à se concilier la faveur de Clément VII, à affaiblir Charles-Quint, dont il était sur le point d’offenser l’orgueil et d’encourir le ressentiment.


II.

Mais avant que le cardinal d’York se rendît auprès du roi de France, ce prince s’était hâté d’intervenir puissamment en Italie. Il l’avait fait en vertu du traité du 30 avril modifié par le traité du 29 mai[1], qui, déclarant l’action commune des deux rois plus opportune au-delà des Alpes que dans les Pays-Bas, avait décidé qu’ils y concentreraient leurs efforts. Outre les forces que tenaient sur pied les Vénitiens et les autres confédérés, François Ier devait envoyer dès le mois de juin en Italie 30,000 hommes de pied, 1,000 lances fournies, avec l’artillerie, les munitions et les charrois nécessaires, et le roi d’Angleterre devait contribuer à l’entretien de cette armée, plus difficile à payer exactement qu’à lever vite, en donnant chaque mois 32,000 couronnes d’or tant que la guerre durerait. Le maréchal de Lautrec en reçut le commandement, et fut destiné à recouvrer en 1527 le pays qu’il n’avait pas su conserver en 1522, et à y relever l’honneur des armes françaises, que des revers successifs avaient humiliées depuis quelques années.

Investi de tous les pouvoirs du roi et représentant sa personne, le lieutenant-général de François Ier, s’achemina à la fin du mois de juin vers les Alpes avec la gendarmerie des ordonnances, et alla se

  1. Conclu aussi à Westminster. — Dans Léonard, Recueil des traités, t. II, p. 273 à 275.