Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/1043

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme les Hollandais sont de race germanique, qu’il forment un état essentiellement protestant et opposé à l’ultramontanisme, que ses compatriotes redoutent la prépondérance de toute nation entreprenante, alternativement avide de repos et de gloire et toujours prête à faire a ces sentimens le sacrifice de sa liberté ; il a beau rappeler les souvenirs de confraternité militaire de la Prusse et de la Hollande : l’instinct de la conservation nationale avertit les Hollandais des dangers du contact prussien. Aussi ce que la Hollande a le plus à cœur, c’est de n’avoir avec la Prusse et l’Allemagne aucune affaire commune qui puisse fournir à ses voisins le prétexte d’une mauvaise querelle. Cette répugnance prudente inspire précisément la conduite du peuple et du gouvernement hollandais dans l’affaire du Luxembourg. Le grand-duché n’a aucun lien politique avec les Pays-Bas. Entre cette province et le royaume, il n’y a de commun que la famille régnante. Si limité et si léger que fût le lien de la communauté dynastique, la Hollande ne l’a jamais enduré qu’avec mauvaise humeur. La maison de Nassau a toujours compris ce sentiment de défiance de la nation, et s’en est armée dans ses rapports avec la confédération germanique. Le grand-duc se distinguait du roi avec les soins les plus attentifs. De peur de compromettre la Hollande dans la confusion des affaires germaniques, le roi grand-duc pratiquait à Francfort le système de l’abstention ou de l’absence. Il avait réclamé en 1839 la sortie du Luxembourg de la confédération ; on ne voulut point à cette époque consentir à cette rupture du lien fédéral au bénéfice du grand-duché de peur d’établir un précédent qui aurait eu une influence dissolvante sur la constitution de l’Allemagne. Ne pouvant rompre l’association fédérale, le grand-duc de Luxembourg, avec le consentement tacite de l’Allemagne et de l’Europe, se tint à l’écart des délibérations et des votes de la diète de Francfort. En fait, depuis 1839, le Luxembourg était séparé de la confédération germanique ; en droit, la scission était devenue complète par la destruction de cette confédération, consommée l’année dernière. Toute compromission dans la nouvelle organisation de l’Allemagne pouvait, dès lors être regardée comme impossible, si le grand-duché était en même temps affranchi d’une servitude militaire qui semblait devoir s’éteindre avec l’ancienne confédération : nous voulons parler du droit de garnison que la Prusse avait à Luxembourg depuis 1816.

C’est là, c’est dans l’anomalie de la présence continuée d’une garnison prussienne à Luxembourg après la rupture de tout lien fédéral entre le grand-duché et l’Allemagne que réside la difficulté actuelle ; comment s’y prendre pour obtenir la sortie volontaire des Prussiens ? Après les événemens accomplis, la position des Prussiens à Luxembourg changeait de caractère et pour le roi grand-duc et, il faut l’ajouter aussi, pour la France elle-même. Les conditions étaient complètement changées ; la Prusse ne pouvait rester à Luxembourg sans porter atteinte aux droits de souverai-