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résolue de tous les principes de droit commun, d’indépendance civile, de liberté, de nationalité, par lesquels elle s’est fondée. Rien ne résume mieux ces tendances qu’un mot de la commission parlementaire chargée l’an dernier du rapport sur la suppression des couvens. « La commission, disait-elle, vous répète, pour la justification de son œuvre, qu’à son avis, dans l’état actuel de l’église et de nos rapports avec la cour de Rome, il n’est ni convenable de proclamer le principe de la liberté religieuse, ni possible de définir les attributions de l’un et l’autre pouvoir… » Ceux qui parlaient ainsi ne voyaient pas que, s’ils veulent attendre que l’église consente à tout, que le pouvoir temporel signé son abdication par acte authentique, ils peuvent attendre longtemps, et jusque-là on fait une politique où il entre un peu de liberté, un peu d’intervention de l’état, — en définitive une politique qui s’arrête au seuil de toutes les grandes solutions.

La question est simple cependant, aussi simple que sérieuse. Il faut choisir. Il n’y a pas mille manières de régler les rapports de l’état et de l’église. Ou c’est un mélange de guerre et de paix quand ce n’est pas une alliance contre un adversaire commun, une série de luttes qui se terminent périodiquement par des concordats, — ou c’est l’indépendance mutuelle, la séparation complète des deux puissances. L’Italie est placée aujourd’hui entre les deux systèmes ; elle a le choix entre celui qui fait du pouvoir civil le grand et universel réformateur des choses ecclésiastiques, et celui qui tranche toutes les difficultés par la séparation, qui fait de l’état le gardien de la société civile, du droit commun, en contenant l’église dans sa sphère purement spirituelle. Je ne veux pas faire l’histoire du premier de ces systèmes dans d’autres pays. Pour l’Italie, placée sur un terrain nouveau par la révolution, pout l’Italie, dis-je, c’est évidemment une guerre indéfinie et de tous les jours, pour tout et à propos de tout, pour les biens du clergé comme pour les ordres religieux, pour la réorganisation des diocèses comme pour l’interprétation du plus simple règlement de police ecclésiastique, — une guerre énervante où l’église, cela est bien certain, achèvera de perdre les privilèges temporels qu’elle ne peut garder, et où l’état ne gagnera ni moralement ni matériellement. Et tout cela pour aboutir un jour ou l’autre à un concordat !

La liberté au contraire met fin à toutes ces luttes de prérogatives, d’attributions et de privilèges. L’état n’a plus à se perdre dans ces questions irritantes, qui malgré tout entretiennent l’incertitude ; il n’a ni à protéger l’église, ni à la faire vivre, ni à lui prêter l’appui de son autorité, ni à intervenir dans ce qu’elle fait, dans son organisation, dans son administration. L’église à son tour cesse d’être une puissance collective et reconnue exerçant une action directe,