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est livrée à l’industrie des hommes. On dirait qu’un lien s’est brisé entre le monde extérieur et ces vieux édifices. Ce ne sont plus que des monumens restés debout, mais dénués de toute signification actuelle, isolés, séparés de leur vrai cadre, quelque chose comme une tour Saint-Jacques transplantée par le hasard des démolitions entre les plates-bandes d’un jardin, s’élançant fière, muette et sombre au milieu du mouvement de la ville moderne. C’est la destinée des institutions mêmes dont ces monumens sont l’image, de cet ensemble temporel de l’église dont l’édifice s’écroule un peu partout, jusque dans cette contrée italienne, la dernière où il ait gardé les dehors d’une puissance établie, la dernière où la vie monastique, selon le mot d’un de ses plus récens historiens, soit restée entière « avec ses règles, ses traditions, ses costumes, » avec ses couvens qui remplissent les villes, se dressent à la cime des montagnes ou se cachent dans les vallées des Apennins.

Que sera dans l’avenir l’action religieuse ? Sous quelles formes et dans quelles conditions est-elle appelée à s’exercer ? Comment arrivera-t-elle à se combiner avec la constitution ou les allures de la société moderne ? Au milieu des conflits contemporains, c’est assurément le problème le plus sérieux, le plus complexe, le plus irritant, problème qui touche à tout, à la religion, à la politique, à l’économie sociale, aux finances, qui s’agitait obscurément dans ces récentes élections italiennes où tout s’est confondu et rien ne s’est éclairci. Je ne voudrais ni aggraver ni diminuer ce problème, qui pèse aujourd’hui sur l’Italie et qui ne pèse pas seulement sur elle ; je veux le résumer simplement dans ses termes essentiels. Le premier point certain, c’est que l’organisation visible, extérieure, politique de l’église, telle qu’elle a existé jusqu’ici en Italie, cette organisation cède de toutes parts sous l’irrésistible pression des événemens. Depuis six ans, les privilèges civils de l’église ont disparu successivement dans toutes les provinces où ils faisaient partie de la législation publique. Le droit de propriété ecclésiastique est atteint par la coordination ou la transformation du patrimoine du clergé. Depuis le 7 juillet 1866, les communautés religieuses de tout ordre, de toute nature, ont cessé d’être reconnues dans leur personnalité indépendante ; elles n’existent plus légalement. La loi qui provoquait, il y a un mois, la dissolution de la chambre et qui proposait définitivement la séparation de l’église et de l’état, cette loi n’était elle-même que le couronnement de cette série d’actes par lesquels la révolution italienne a jusqu’ici attesté son esprit et son caractère. Tout se tient, tout s’enchaîne dans ce mouvement, et de conséquence en conséquence l’église se trouve ramenée dans son domaine unique, qui est la conscience.

Ce qui est bien clair encore, c’est que la question religieuse, telle