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Tels sont en résumé les grands mouvemens et les grands accidens de l’air. Si un observateur élevé dans un ballon au-delà des limites de l’atmosphère pouvait les suivre à chaque instant dans leur ensemble, s’il pouvait assister à la formation et à la condensation des vapeurs, il verrait les alizés rafraîchir les mers torrides et y faire provision de chaleur et de vapeur. Autour de la terre, et formant une ceinture analogue à l’anneau de Saturne, il verrait la zone des calmes équatoriaux arroser les contrées de la zone torride et donner naissance à deux courans opposés qui, dans les hauteurs extrêmes de l’air, s’élancent vers les deux pôles pendant que de ces pôles partent des courans contraires et rampans ; il verrait le mouvement terrestre troubler l’équilibre de l’air, les dérivations descendantes le rétablir et transporter vers les contrées tempérées la chaleur et l’eau qu’elles ont prises à la zone alizéenne. Enfin des cyclones ou des bourrasques monteraient de l’équateur aux pôles, décrivant des courbes parfaitement régulières, et se succéderaient sans relâche. A la vérité, s’il y apporte une scrupuleuse attention, il remarquera que ces cyclones passent tantôt en Suède, tantôt au midi de la France, le plus souvent sur le milieu des îles britanniques, que la distribution de l’eau n’est pas toujours absolument égale en un même lieu ; il ne verra dans ces irrégularités qu’un moyen d’établir une exacte balance entre les diverses contrées par un mécanisme assez parfait pour corriger ses excès et réparer ses accidens. Mais les habitans de la terre ne sont pas placés au même point de vue que cet observateur indifférent. L’homme est une créature chétive et frileuse, qui a faim et soif, qui attend sa misère ou son bien-être des variations atmosphériques. Pleut-il, il a froid ; fait-il beau, il se plaint de la chaleur. Si l’été est humide, ses fruits avortent et sa vendange est nulle. Le moindre accident qui ne compte pas dans la nature, un orage, un cyclone, peut devenir un malheur public. Indifférentes à nos besoins, les lois immuables du monde continuent leur œuvre éternelle et régulière.

Le Dieu poursuivant sa carrière
Versait des torrens de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.


J. JAMIN.