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Cependant d’Azeglio avait été un peu froissé, il y a lieu de le croire, et ce froissement secret, il le portait dans la vie modeste où il rentrait, refusant tout ce qui aurait pu lui donner de l’aisance, reprenant au besoin le pinceau pour se suffire. D’Azeglio n’approuvait pas en tout d’ailleurs la politique de Cavour : il trouvait que Cavour allait trop vite et qu’il surmenait un peu le Piémont, il s’effrayait surtout de ce mouvement d’accélération imprimé à la politique piémontaise au lendemain de 1856 ; mais, le moment venu où cette politique semblait toucher à la crise suprême, il ne discutait plus, il offrait ses services et son dévouement. Un des Italiens qui ont le mieux connu ces deux hommes, M. Giuseppe Massari, raconte qu’un matin de février 1859 Cavour recevait de Gênes une lettre dont il reconnut aussitôt l’écriture : il l’ouvrit d’un air d’impatience et de doute ; il la lut rapidement, et ses yeux se remplirent de larmes. C’était Massimo d’Azeglio qui lui écrivait et qui, après lui avoir rappelé leurs dissentimens, ajoutait : « Maintenant ce n’est plus le moment de discuter ta politique ; c’est le moment de la faire triompher, de réunir tous les efforts pour la faire réussir… » Et il se mettait à la disposition de Cavour. il Ainsi, disait-il, me voilà enrôlé et cavourien ! J’ignore à quoi je puis être bon et j’attends. » Il n’attendit pas longtemps.

Cette politique après tout, elle n’était que la conséquence, un peu précipitée peut-être, mais invincible, de cette autre résolution prise un jour à Turin, dix ans auparavant, de maintenir le Piémont dans une ligne d’invariable fidélité à la cause italienne et au libéralisme. Elle n’était que l’application de ce mot : nous recommencerons ! Cavour la faisait triompher. C’était d’Azeglio lui-même qui l’avait préparée, et il n’était pas dans sa nature d’attendre que le péril fût passé pour se rallier au drapeau qu’il voyait engagé. Que pouvait-il ? comme il le disait. Il fut d’abord envoyé à Rome sous prétexte de porter le collier de l’Annonciade au prince de Galles, et en réalité pour s’entendre avec les libéraux romains. Il eût aussi une mission à remplir à Paris et à Londres, au moment où se multipliaient de toutes parts les négociations pour empêcher la guerre. Ce fut lui qui, la guerre une fois ouverte, fut envoyé le premier à Bologne le jour où la Romagne se séparait du saint-siège. « J’ai la Romagne à conduire, écrivait-il ; comme vous voyez, on me fait là un fameux lot ! Je n’ai jamais reculé devant les difficultés. Ainsi va pour la Romagne 1 » Après la guerre, ce fut lui qui alla un des premiers à Milan, où il eut pendant quelques mois de 1860 le poste de gouverneur de la Lombardie. Eh réalité, le rôle de d’Azeglio, à dater de ce moment, est moins celui d’un acteur que celui d’un conseil, d’un homme considérable employé aux