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accéléré ! C’est ce même esprit qui a fait la fortune de la Prusse. Le culte réformé, sévère, simple, s’adressant à la raison plutôt qu’à l’imagination, s’est montré partout singulièrement favorable au développement économique[1]. — Tandis que l’Espagne continuait à descendre et que la France, déjà ruinée par les guerres malheureuses de Louis XIV, s’abîmait dans les misères de la régence et de Louis XV, la Prusse était admirablement administrée par une série de souverains économes, simples de mœurs, toujours occupés de maintenir l’ordre dans les finances, de favoriser les progrès de la culture, les défrichemens, la construction des routes et des canaux, la production de la richesse sous toutes ses formes. Quand le travail n’est pas entravé par de mauvais gouvernemens, il fait des miracles. Un impôt mal assis est bien plus funeste qu’une guerre même malheureuse. Celle-ci détruit la richesse comme un incendie, mais ne l’empêche pas de renaître. Une mauvaise administration atteint la prospérité publique jusque dans ses racines. La Prusse se releva promptement des dévastations des guerres de trente et de sept ans, grâce aux vertus solides qu’elle devait en grande partie à l’esprit de ses croyances religieuses.


II

La troisième cause qui a contribué à l’agrandissement de la Prusse est, avons-nous dit, l’organisation de son armée. La première base de cette organisation fut posée par le roi Frédéric-Guillaume. En 1733, un décret divisa tout le pays en arrondissemens militaires, dont chacun devait fournir et entretenir un régiment. En cas de besoin, tous les hommes valides, sauf les nobles, pouvaient être appelés sous les armes. C’est en tirant de ce principe tout ce qu’il pouvait donner que Frédéric II parvint à sortir triomphant de la guerre de sept ans. La paix conclue, il arriva, sans arrêter le progrès de la population et de la richesse, à tenir sur pied une armée permanente de 150,000 hommes. Comme son royaume

  1. L’influence favorable que le culte réformé exerce sur la fécondité du travail est un fait remarquable qui mériterait les investigations de la science économique. Avant la révocation de l’édit de Nantes, les protestans, étaient les travailleurs les plus actifs, les plus industrieux du royaume. Encore aujourd’hui M. Audiganne, dans ses intéressantes études sur la condition des classes ouvrières en France, remarque la supériorité des protestans dans l’industrie (voyez la Revue du 15 août 1853). « Quand une même famille, dit-il, s’est divisée en deux branches, l’une restée dans le giron de la croyance de ses pères, l’autre enrôlée sous l’étendard des doctrines nouvelles, on observe presque toujours d’un côté une gêne progressive et de l’autre une richesse croissante. » — « Aux États-Unis, dit M. de Tocqueville, la plupart des catholiques sont pauvres. » L’épargne crée le capital, et la sévérité du culte favorise l’épargne.