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réservé aux ministres, tenus, eux aussi, de se transformer et d’étendre leurs vues vers des horizons agrandis. L’homme sur lequel l’attention publique se porte en ce moment avec la curiosité la plus vive est assurément M. Rouher. Le ministre d’état est devenu en même temps ministre des finances. Il a remplacé M. Fould dans ce département, et, comme M. Fould était devenu la personnification d’un système, on a voulu supposer que notre administration financière allait avoir, elle aussi, son évolution. Il faut reconnaître que, lorsque M. Fould rentra au pouvoir, on crut généralement qu’une période marquée par un système fécond en résultats allait commencer. On se croyait autorisé à pressentir que l’équilibre des budgets s’établirait promptement, et que bientôt, grâce aux excédans de revenu, on pourrait appliquer des réserves considérables soit à des travaux publics, soit à d’utiles expériences sur les impôts. Il faut convenir que la fortune n’a point souri à ces espérances. En même temps que M. Fould entrait au ministère, l’affaire du Mexique s’engageait en dehors de ses prévisions ; elle prenait les dimensions qu’on a vues et absorbait tous ces beaux excédans que nous rapportait la progression du revenu. M. Fould, au lieu de goûter les douceurs d’un innovateur heureux et ingénieux, fut obligé de demeurer dans l’attente et sur la défensive, luttant pour mettre le crédit public à l’abri des conceptions aventureuses qui demandaient de grands emprunts applicables à de grands travaux. C’est évidemment à cette lutte que le ministre sortant s’est fatigué ; nous voudrions en détourner du ministre nouveau les ennuis et les surprises. Les réformes que M. Rouher a réalisées dans l’ordre de la politique économique donnent facilement à penser qu’il saura appliquer avec le même bonheur son intelligence aux mesures financières, quand la situation du trésor et les loisirs de la politique lui en fourniront l’occasion et les ressources. Nous n’en sommes point là encore. La politique fournit à M. Rouher des occupations surabondantes ; il devra intervenir dans la préparation et la discussion des lois nouvelles sur la presse et le droit de réunion ; il ne pourra se tenir à l’écart du débat sur l’organisation de l’armée ; il devra être toujours prêt au duel des interpellations. Les réformes financières, si tant est qu’il y eh ait en projet, ne pourront prendre rang dans le travail de cette année et seront ajournées. Que M. Rouher cependant se défie des fanatiques de travaux publics et de la fureur imprévoyante avec laquelle certaines gens veulent engager dans ces entreprises exagérées les ressources de l’avenir.

Comment au surplus la vie politique ne se ranimerait-elle point en France lorsqu’on la voit de toutes parts en Europe déployer une activité dont on avait depuis longtemps perdu l’habitude ? Quand autour de nous tout est en travail, l’inertie ne saurait être le lot de la France. L’Angleterre va ouvrir sa session. On va assister là à une épreuve qui tient les esprits en suspens. Comment le ministère tory abordera-t-il la réforme parlementaire ? Les chefs du parti populaire essaieront-ils d’exercer une pression sur la