exacte des travaux de M. Cousin que de donner une esquisse vraie et fidèle de son attitude philosophique.
A travers toutes les curiosités d’esprit qui l’entraînèrent à diverses époques dans les sens les plus divers, d’Ecosse en Allemagne, d’Athènes à Alexandrie, et qui se fixèrent enfin sur la philosophie française du XVIIe siècle, il faut reconnaître, quoi qu’on en ait dit, un lien persistant, une idée dominante, l’idée spiritualiste. La distinction de la raison et des sens, l’âme force libre distincte du corps, la loi du devoir, le droit fondé sur la liberté morale, enfin la liberté politique inséparablement attachée dans son esprit à la cause spiritualiste, en un mot le déisme de J.-J. Rousseau exprimé d’une manière plus savante par un disciple de Platon, de Descartes et de Kant, telle est la doctrine que M. Cousin n’a jamais cessé de soutenir, depuis 1815 et même 1812 jusque dans ces derniers jours, où il lisait encore à l’Académie une éloquente conclusion de son Histoire générale de la Philosophie tout empreinte de ces nobles idées.
Je n’affecterai pas sans doute d’ignorer ou d’oublier que dans un certain temps la philosophie de M. Cousin a été suspecte et même violemment accusée d’incliner vers l’idéalisme germanique de Schelling et de Hegel. Je pourrais répondre à cette accusation que tout n’est pas aussi mauvais qu’on le suppose dans la philosophie allemande, et je considère pour ma part comme une des gloires de M. Cousin d’avoir été le premier à initier la France à la pensée philosophique de l’Allemagne. Ce sera au temps à faire le triage du vrai et du faux dans cette vaste construction métaphysique élevée au-delà du Rhin par tant de grands penseurs, depuis Kant jusqu’à Hegel ; mais que tout soit faux, inutile et complètement infructueux dans ce vaste ensemble de spéculation, c’est ce que nous ne pouvons accorder. M. Cousin lui-même, qui s’en est depuis séparé avec tant d’énergie, n’a jamais cessé de considérer cette période philosophique comme l’une des plus grandes de l’humanité, et jusqu’au dernier jour je l’ai entendu s’exprimer sur Hegel avec autant de vénération que d’admiration.
Mais n’oublions pas d’un autre côté que les questions philosophiques changent d’aspect suivant les temps. A l’époque dont je parle, de 1815 à 1830, le débat n’était point, comme il l’a été depuis, entre le panthéisme idéaliste de l’école hégélienne et le spiritualisme psychologique de l’école française ; c’est nous qui, à notre début dans la carrière philosophique, avons trouvé le combat engagé sur ce terrain. Sous la restauration, le seul adversaire pour l’école française, c’était le sensualisme du XVIIIe siècle ; dans ce conflit, l’Allemagne était une alliée bien loin d’être un nouvel ennemi,