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pénibles, mais elle garantit l’exactitude des résultats. La construction des cartes de M. d’Abbadie a demandé un travail immense ; aussi la précision qui a été obtenue est-elle vraiment remarquable. Je ne pense pas que les positions des points principaux soient incertaines de plus d’une minute ; c’est la limite extrême, et ce n’est que l’équivalent de 2 kilomètres. Dans les observations des voyageurs ordinaires, des erreurs de 1 degré n’ont rien d’insolite, et cependant 1 degré représente 111 kilomètres. Un exemple devenu pour ainsi dire historique fera encore mieux ressortir l’incertitude des déterminations isolées. Alexandre de Humboldt fixa par une série de distances lunaires la longitude de la ville de Quito à 81° 5’ 38". Ce résultat était le plus probable ; on avait dû rejeter une série de distances qui donnait une longitude trop forte de plusieurs degrés. La longitude de Quito avait été déjà déterminée par Bouguer et par La Condamine : le premier avait trouvé 80° 15’, le second 81° 22’ ; la différence est de 1° 7’. Le résultat de La Condamine fut gravé sur une table de marbre destinée à perpétuer le souvenir de la grande expédition qui avait eu pour objet la mesure d’un arc du méridien au Pérou. Neuf ans plus tard, d’Anville trouva pour la longitude de Quito 80° 30’, en soumettant au calcul les données, que lui avait fournies La Condamine lui-même ; Ulloa trouva de son côté 80° 40’.

En comparant les résultats obtenus par M. d’Abbadie avec ceux des voyageurs les plus connus, on ne peut qu’être frappé de la supériorité de sa méthode. Feu M. Daussy, le géographe du bureau des longitudes, ne se lassait pas de la recommander et de proposer ce voyage comme un modèle aux futurs explorateurs du globe. Toutefois il ne faut pas oublier que la meilleure méthode n’est rien sans les qualités personnelles qui font le vrai voyageur. On est voyageur ou touriste, comme on est navigateur ou marin. Le calme, le courage, la persévérance, un esprit inventif et une connaissance approfondie des ressources que peut offrir la science, voilà ce qu’il faut pour cueillir des lauriers dans les expéditions de ce genre. Un coup d’œil sur les pages de la Géodésie d’Ethiopie fait voir que M. d’Abbadie a sans cesse varié ses expédiens. Il ne s’est pas borné à relever les profils des montagnes et tous les objets remarquables sur sa route. J’ai déjà dit qu’il a déterminé astronomiquement beaucoup de latitudes et de longitudes. Un grand nombre de hauteurs ont été obtenues soit à l’aide du baromètre, soit à l’aide du thermomètre à eau bouillante. De temps à autre, il lui fut possible de mesurer une distance par le temps que le son mettait à la parcourir. Ainsi à Muçawa, pendant le Ramadan ou mois de demi-jeûne des musulmans, on tire tous les soirs, au coucher du soleil, un coup de canon qui annonce la rupture du jeûne. M. d’Abbadie en profita