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longueur du méridien avec les roues de son cabriolet sur la route de Paris à Amiens. Aujourd’hui, on veut que la précision soit poussée à ses dernières limites ; les observations réputées les plus exactes sont refaites à nouveau : on a contesté l’exactitude des travaux de Méchain, de Biot et d’Arago, qui ont eu pour objet la mesure de la méridienne qui traverse la France ; l’observatoire de Paris a repris la détermination d’un grand nombre de points où ces astronomes avaient fait leurs observations. Des travaux du même ordre viennent à peine d’être achevés ou sont encore en voie d’exécution sur beaucoup d’autres points du globe ; nous n’en citerons qu’un : la révision de la triangulation de Lacaille au cap de Bonne-Espérance par sir Thomas Maclear, dont les résultats viennent d’être publiés aux frais de l’amirauté anglaise. De leur côté, les voyageurs qui vont explorer des contrées encore inconnues comprennent enfin la nécessité de s’initier aux observations astronomiques et aux procédés d’arpentage qui leur permettent de tracer leur itinéraire avec une précision mathématique. Au lieu d’évaluer simplement par heures et journées la longueur du chemin qu’ils ont parcouru, ils s’attachent à observer des latitudes et des longitudes toutes les fois que les circonstances le permettent. Lorsqu’ils font l’ascension d’une montagne, ils en déterminent la hauteur ; s’ils franchissent une rivière, ils cherchent à en mesurer la largeur et à en évaluer le débit. Le chronomètre qu’ils emportent avec eux les invite sans cesse à remplir leur devoir envers la science ; l’aiguille qui chemine sur le cadran leur dit : Le soleil vous attend, préparez-vous à l’observer. Un voyage d’exploration sans itinéraire exact est presque considéré comme une expédition manquée ; la géographie réclame sa dîme d’usage. Cependant ici comme ailleurs il y a des accommodemens ; chacun fait ce qu’il peut, et la science accepte avec reconnaissance le plus maigre tribut. Les uns s’acquittent en rapportant deux ou trois latitudes : c’est déjà quelque chose, pourvu qu’ils ne fassent pas comme ce voyageur qui détermina avec soin la latitude d’un arbre dans une plaine ; l’arbre pourri, le travail était à refaire. D’autres vont plus loin : ils observent la lune pour avoir une longitude. C’est plus difficile, et les résultats, neuf fois sur dix, ne valent rien ; mais le dixième, qui est bon, nous dédommage. Enfin il y a des voyageurs aussi habiles que les astronomes de métier, qui savent tirer parti de toutes les ressources dont la science dispose, et qui parviennent à dresser une carte exacte du pays qu’ils ont exploré. Personne en ce genre n’a poussé les choses aussi loin que M. Antoine d’Abbadie, qui a profité d’un séjour de douze ans dans la Haute-Ethiopie pour établir la topographie et l’orographie d’une vaste contrée à l’aide de méthodes nouvelles qui