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plus que des livres, il faut des actes, des exemples, d’éclatans témoignages, d’incontestables preuves d’abnégation, de dévouement, de charité, de sacrifice. Voilà les prédications qui réveillent les âmes, voilà les armes qui triomphent du monde, si léger, si frivole, si endurci qu’il soit. Jadis elles font vaincu sous la toge romaine, sous le sayon barbare ; seules encore aujourd’hui elles peuvent le dompter. — Que demandons-nous là ? Y pensons-nous ? — La prédication par les œuvres ! l’apostolat des premiers temps ! de vrais apôtres, d’héroïques confesseurs, au besoin des martyrs ! En ce temps-ci ! Est-ce possible ? — Pourquoi pas ? — Quelle est la contradiction, la disparate, la surprise qu’on ne puisse attendre de ce temps ? N’est-ce pas sa destinée que d’aller à tous les extrêmes, d’être ardent pour le mal et même pour le bien, d’obéir tour à tour, souvent même à la fois, aux courans les plus opposés, aux principes les plus inconciliables ? C’est justement parce qu’il semble tombé presque au dernier degré de la mollesse et de l’affaissement, parce que vous le voyez descendre de jour en jour plus bas, qu’il y a chance pour lui de quelque élan sublime. La Rome impériale était-elle donc moins corrompue, moins efféminée, moins docile, alors que s’élevaient dans l’ombre, sous son sol, les vengeurs et les restaurateurs de la dignité humaine, les futurs maîtres du monde ? Rassurez-vous, même en ces jours de doute et d’égoïsme, ce n’est pas une chimère qu’une grande et vraie résurrection du christianisme en France. Non-seulement ce miracle est possible, on peut dire qu’il est nécessaire.

De deux choses l’une en effet : ou il faut supposer que nous touchons à la dernière phase du développement de l’humanité, que la décadence aujourd’hui commencée sera la dernière, qu’elle n’aura pas, comme tant d’autres avant elle, son temps d’arrêt, sa renaissance, qu’une pente continue nous entraîne irrésistiblement à la ruine et à l’abaissement de notre race, ou il faut de toute nécessité trouver moyen de restituer aux masses populaires la foi religieuse. Que sert à la démocratie d’avoir cause gagnée, d’être bientôt souveraine maîtresse du globe entier, si elle est hors d’état de maintenir et de régler sa conquête, faute de pouvoir soi-même se régler et se gouverner ? La démocratie sans croyances, sans frein religieux, sans autre garde-fou que la morale indépendante, c’est un torrent déchaîné, c’est l’anarchie, le despotisme, le retour à la barbarie. Et d’un autre côté ce frein sauveur, quand il est vermoulu, comment le remplacer ? Ne crée pas qui veut une foi religieuse. C’est folie seulement de le tenter. Ces chimériques créations ne pourraient jamais être que d’impuissantes parodies. A quoi bon rêver l’impossible ? Pourquoi chercher si loin ce qu’on a