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compenser les vides que produit la mort, puisque l’enceinte des églises, dans les grands centres de population, devient presque partout trop étroite. Ne parlons pas des jours de fêtes, de ces solennités qui, par l’attrait d’une sorte de spectacle, attirent peut-être autant d’oisifs que de croyans ; bornons-nous aux jours les plus modestes, aux offices les moins brillans : pouvez-vous contester que d’année en année ils sont suivis avec plus de zèle et que le nombre des assistans s’accroît ? Ne remarquez-vous pas aussi combien d’hommes sont mêlés aux femmes ? La présence d’un homme dans une église au commencement du siècle faisait événement : on aurait aujourd’hui trop à faire, s’il fallait encore s’en étonner, et ce n’est certes pas un médiocre triomphe de la foi sur le respect humain que ce retour des hommes dans l’asile de la prière. Bien d’autres nouveautés du même genre pourraient sembler non moins extraordinaires, et par exemple dans nos écoles, dans nos camps, des étudians, des militaires confessant hautement leur foi, dans telle de nos grandes villes non-seulement une magistrature, mais un barreau qui compte en majorité parmi les membres de son conseil des chrétiens pratiquans, un corps de médecine, ce qui est peut-être encore plus rare, où le même calcul donne le même résultat. S’il y avait un profit quelconque à passer aujourd’hui pour chrétien, si nous étions seulement aux jours de la restauration et qu’on eût quelque chance de se faire mieux noter et de mieux servir sa famille en affichant la piété, nous pourrions ne pas tenir grand compte de ce redoublement de ferveur apparente, de ces églises de plus en plus peuplées, de ces saintes communions de plus en plus nombreuses ; mais en sommes-nous là, et n’est-il pas d’un bien meilleur calcul, quand on veut parvenir de se faire aujourd’hui franc-maçon que de se commettre dans quelque conférence de Saint-Vincent-de-Paul ? Qu’il y ait encore des hypocrites, de faux dévots, qui le conteste ? Il y en aura toujours ; mais ce n’est pas le vice à la mode. Il faut par le temps qui court, pour entrer souvent à l’église, avoir vraiment besoin de prier Dieu. Nous défions les plus sceptiques, même en leur laissant toute marge pour critiquer, trier, élaguer autant qu’il leur plaira, de ne pas reconnaître comme de franc et bon aloi les progrès, limités sans doute, mais néanmoins incontestables du christianisme de nos jours. Il est d’ailleurs une pierre de touche qui ne permet guère de s’y tromper : des trois vertus théologales, la moins facile à contrefaire est celle qui puise à notre bourse et qui nous force à être généreux. Demandez au clergé, ce trésorier des pauvres, ce qu’est aujourd’hui la charité, s’il la croit endormie, languissante, si chaque jour il ne la sent pas plus ardente et plus animée à mesure que dans certaines âmes et à