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futures ne manqueront pas de former une population militaire toujours croissante. Il ne serait pas prudent d’y compter. On vient de voir que les derniers états du recrutement correspondent aux naissances de l’année 1843. Eh bien ! la moyenne des naissances masculines antérieures à 1843 est supérieure à celle des années suivantes. De 1839 à 1842 inclusivement[1], il est né dans les 86 départemens français 499,343 garçons, année moyenne ; dans les dix-sept années suivantes (celles que doivent avoir en vue les réformateurs militaires), la moyenne annuelle est tombée à 492,338. Je ne me hasarderai pas à chercher l’explication de ce résultat, en contradiction avec les faits généralement constatés dans le reste de l’Europe. J’admettrai même que l’affaiblissement numérique des naissances a été compensé dans une grande mesure par des améliorations hygiéniques[2]. Je m’en tiens à constater sommairement qu’une augmentation du contingent militaire n’est pas probable pour les années qui sont devant nous.

Quel que soit le système adopté, il y a toujours dans l’effectif d’une armée deux portions, dont l’une est nécessairement permanente et l’autre plus ou moins renouvelée. Les organes qu’il faut conserver sont les états-majors, les corps spéciaux, les cadres mobiles et élastiques où les soldats appelés viennent se classer, et enfin les auxiliaires non combattans. Le personnel de ces catégories comporte un minimum d’effectif au-dessous duquel il ne serait pas possible de descendre. Leur recrutement d’ailleurs ne doit pas être considéré comme une charge publique : il se présente toujours, en nombre suffisant pour remplir ces emplois, des gens qui ont adopté l’état militaire par vocation ou comme métier.

La juste proportion à établir entre ces deux élémens est le point essentiel dans, le problème à l’ordre du jour. On trouve les élémens de cette évaluation dans nos budgets, où l’on a soin précisément de distinguer en deux groupes les cadres qui sont comme la charpente permanente de l’armée et les soldats proprement dits, dont le nombre peut être plus ou moins augmenté, selon les besoins politiques et le système, de réserve. Les cadres sont l’ossature du

  1. Je ne remonte pas plus haut, parce qu’on a commencé en 1830 seulement à compter à part les mort-nés. Voyez l’Annuaire des Longitudes, où je puise ces chiffres.
  2. Les progrès de l’hygiène, qui augmentent la durée de la vie humaine, sont constatés chez nous par les diminutions du nombre des décès. De 1839 à 1843, le nombre des décès masculins a été en France de 468,231, ce qui donne 13 6/10° pour 1,000 individus. — De 1844 à 1851, c’est-à-dire pendant les dernières années de la monarchie et la période républicaine, le nombre des décès masculins est tombé à 415,341, soit 11 7/10* pour 1,000 individus. — De 1852 à 1860 inclusivement, sous l’influence des deux grandes guerres, le chiffre des décès pour les hommes se sont relevés à 440,006 en moyenne, soit 12 2/10e pour 1,000 individus.