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dix pouces, la taille des tambours d’autrefois[1]. Le second groupe, où l’on a placé les faibles de constitution, les rachitiques, les poitrinaires, est à lui seul presque une armée, car il comprend 30,524 unités chétives. Suivent les écloppés et les mutilés de naissance ou par accidens, auxquels on a mêlé ceux qui sont tourmentés par des varices, des douleurs rhumatismales, des hernies, trois catégories formant ensemble 15,988 jeunes hommes. Les bossus, les pieds bots et les pieds plats font bande à part, et ils sont 9,100. Ceux qui sont affligés dans l’un de leurs sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, sont au nombre de 6,934. Un certain bourdonnement, un étrange cliquetis de paroles annoncent les bègues, dont je compte 963, et les édentés qui sont 4,108. Voici venir au nombre de 5,114 une phalange où la débauche précoce, à ce que je crains, a dû faire des ravages. Détournons les yeux pour ne pas voir 2,529 pauvres garçons atteints des maladies de la peau. Apparaissent (triste coup d’œil !) 5,213 goitreux et scrofuleux, et, ce qui est plus triste encore, 2,158 malheureux chez qui l’altération du système nerveux produit la paralysie ou les convulsions, l’épilepsie, la folie ou le crétinisme. Laissez passer un dernier groupe de 8,236 têtes où sont confondues les infirmités diverses, les anomalies pathologiques. Dans cette revue du plus bel âge de la vie, nous avons déjà compté plus de 109,000 êtres infirmes ou difformes. On a besoin de respirer et de s’épanouir enfin à la vue de la saine et vaillante jeunesse : elle est représentée par 216,000 jeunes garçons entrés dans leur vingt-unième année, en bon état de croissance, en possession de tous leurs membres, sains de corps et d’esprit.

Le dénombrement qui précède a pour base le dernier compte des opérations du recrutement, dont la publication toute récente se rapporte à l’année 1864. Tous les jeunes gens qui ont accompli leur vingtième année étant sans exception classés par le sort, on suit l’ordre numérique dans les appels, et on élimine ceux qui sont

  1. Sous Louis XIV, on n’admettait dans les gardes-françaises que des hommes de 5 pieds 4 pouces ; pour le reste de l’armée, on se contentait de 5 pieds 3 pouces en temps de paix et 4 pieds 2 pouces en temps de guerre. En 1776, le minimum fut fixé à 5 pieds 1 pouce pour l’infanterie et 5 pieds 3 pouces pour la cavalerie. Sous le consulat, la taille réglementaire du fantassin fut fixée a 4 pieds 11 pouces ; mais quand les guerres de l’empire devinrent dévorantes, on prit indistinctement tous les jeunes gens suffisamment valides. Après quelques variations, le minimum est resté fixé par la loi de 1832 à la mesure actuelle, soit 1 mètre 560 millimètres, ce qui est inférieur de 20 millimètres au minimum de la Prusse et de l’Autriche. Les hommes de très petite taille sont souvent bien constitués et très robustes. L’obstacle à leur admission provient de ce que le fantassin doit être assez grand pour atteindre sans trop de difficulté le haut de son fusil lorsqu’il charge son arme. L’invention des fusils chargés par la culasse va peut-être faire disparaître cette objection.