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à sept ans ; 2° mettre un prix honnête au travail des ouvriers, de manière que chacun d’eux ne pût tomber dans l’indigence que par sa faute ; 3° les exciter à une bonne conduite en donnant au bout de trois ans les moyens de s’établir pour leur compte à tous ceux qui se seraient distingués par leur habileté et par leur sagesse, avec la simple réserve que celui qui ne prendrait pas femme serait tenu, au bout de dix. ans, de remettre à la caisse publique les avances qu’elle lui aurait faites. » Marat négligeait, il est vrai, de signaler les procédés financiers à l’aide desquels on aurait pu réaliser ce fameux plan ; mais on sait qu’en général les réformateurs et les révolutionnaires de tous les temps s’occupent peu de pareils détails.

Ce fut en cet état que la question se présenta devant l’assemblée nationale et que dans la séance du 14 juin 1791 Chapelier, organe du comité de constitution, donna lecture d’un rapport et d’une série de résolutions demeurées célèbres dans l’histoire du travail, car c’est de là que date l’interdiction des coalitions qui devait plus tard, en d’autres termes, mais sous l’inspiration de la même pensée, trouver place dans le code pénal. L’assemblée nationale avait d’abord à pourvoir au maintien de la paix publique, qui était évidemment troublée par les coalitions ouvrières. En outre on était alors au lendemain de la suppression des corporations ; on savait que l’ancien régime laissait après lui de profonds regrets, qu’un grand nombre d’ouvriers, oubliant les entraves dont ils venaient d’être délivrés, ne se souvenaient plus que des avantages qu’ils retiraient de l’ancienne corporation ; les amis sages et sincères de la révolution craignaient que leur œuvre de liberté ne fût compromise par l’aveuglement, l’ignorance et les excès de ceux-là mêmes qu’ils avaient voulu rendre libres. Le rapporteur du comité de constitution et l’assemblée nationale jugèrent donc qu’il fallait proclamer de la façon la plus énergique le triomphe de la volonté individuelle sur la tyrannie collective, sans compter l’intérêt supérieur qui les engageait à opposer les rigueurs de la loi pénale à toutes les manœuvres qui pouvaient mettre en péril l’ordre matériel. De là ces résolutions qui, à l’époque où elles furent décrétées, étaient opportunes, nécessaires, libérales, et consacraient par un acte dont l’impopularité ne diminuait pas le mérite les véritables principes de la révolution. — Dira-t-on que Chapelier, confondant l’association avec les coalitions, commit le grave tort de proscrire à la fois l’une et l’autre ? Cette critique serait exacte, si le même fait se produisait de nos jours ; mais à l’époque dont nous parlons, en 1791, l’association telle que l’entendaient et voulaient la pratiquer les ouvriers sous la conduite de leurs guides politiques n’était autre