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pourrait en présenter de comparable tant par l’abondance que par la variété des matériaux. Ce ne sont plus seulement les économistes de profession qui, malgré les dédains trop souvent opposés à leurs démonstrations spéciales, s’obstinent à analyser les lois du travail Tout le monde se met vaillamment à l’œuvre. Depuis le savant qui interroge les secrets de la matière jusqu’au simple touriste qu’un caprice promène à travers le globe, tous ceux qui apportent devant le public le fruit de leurs découvertes ou de leurs observations croient devoir s’occuper, s’inquiéter, ne fût-ce qu’incidemment, de la question première et suprême. Le savant aime à faire ressortir les services que ses méditations rendent au travail et au bien-être universel ; le voyageur ne se contente plus de décrire les aspects pittoresques des pays qu’il a parcourus : il étudie, il compare les conditions de la production et le sort des populations ouvrières ; il se résigne à paraître quelque peu économiste. Ouvrez les romans modernes, la fiction y tient moins de place qu’autrefois ; les sujets et les personnages sont plus réels ; l’imagination descend des régions nuageuses de l’idéal, et, au risque de ternir sa robe blanche à la poussière du chemin, elle pénètre dans de nouveaux domaines où elle rencontre au milieu des foules qu’elle dédaignait naguère, non plus seulement des sentimens, des passions, des émotions, mais encore des instincts, des besoins, des souffrances, qu’elle prétend, elle aussi, analyser et décrire. Quant à la littérature politique, est-il besoin de rappeler que, s’attachant avant tout à la popularité pour conquérir l’influence, elle a pour objet principal et presque exclusif l’étude du problème qui concerne le plus directement l’immense armée du suffrage universel ?

Il n’y a donc pas de cause qui soit plus généralement défendue que celle du travail, et ce n’est que justice. D’où vient cependant que, malgré le concours de tant de bonnes volontés, la lumière ne soit pas encore complète ? D’où viennent les contradictions véhémentes que se renvoient, sans aucun profit, des esprits animés d’une égale passion pour le bien et également sincères ? C’est que, dans l’entraînement d’un débat où l’élément politique tend à prendre une trop grande part, les vérités fondamentales que la science enseigne sont trop souvent négligées ou méconnues. Ce qui est simple et clair quand on s’en tient aux principes devient obscur et confus dès que l’on y mêle les intérêts des partis et les préjugés populaires. Par exemple, malgré les progrès incontestables de l’esprit public sur ces matières, n’entendons-nous pas encore dire tous les jours qu’il y’a entre le capital et le travail un antagonisme permanent et inévitable, de telle sorte que, pour rétablir la justice dans la société industrielle, il faudrait faire table rase de ce qui existe et appliquer des règles complètement nouvelles ? S’il est démontré