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assez hautes pour en présenter encore quelques restes. Je rappellerai seulement les chaînes du Caucase, de l’Himalaya, des Cordillères, de la Nouvelle-Zélande, énumérées déjà dans l’article précédent. Partout dans ces montagnes on a constaté que les glaciers ont eu jadis plus d’étendue que dans la période actuelle.

Sur les côtes de la partie méridionale du Chili, par 43 degrés de latitude sud, d’innombrables blocs granitiques originaires des Cordillères, bordent la côte, où Charles Darwin les a observés le premier : ils sont communs autour du lac Llanquihue, siège d’une colonie allemande très florissante. Le Dr Fonck, médecin de cette colonie, les a trouvés surtout abondans à l’entrée du golfe étroit de Reloncavi et en face de toutes les vallées qui descendent de la Cordillère[1].

Le fait le plus récent et le plus extraordinaire en ce genre a été signalé dernièrement par le professeur Agassiz[2] au Brésil. Les collines de Tijuca, élevées de 550 mètres au-dessus de la mer et situées à 11 kilomètres de Rio-Janeiro, sont couvertes de blocs erratiques aussi bien caractérisés que ceux de la Nouvelle-Angleterre. L’état de désagrégation de toutes les roches du Brésil, granite, gneiss, micaschiste, schistes argileux, rend l’étude du phénomène glaciaire fort difficile : on ne trouve pas de roches polies ou striées, et la couche meuble, résultat de leur décomposition, masque ou simule le terrain erratique transporté par les glaciers.

Nous venons d’exposer succinctement, mais complètement, l’état de nos connaissances actuelles sur l’ancienne extension des glaciers dans les chaînes de montagnes et les plaines qui les environnent. Dans une dernière étude, on traitera de l’extension des glaces polaires en Europe et en Amérique et des modifications de la flore et de la faune du globe pendant cette période. Nous verrons que l’homme existait pendant ou même avant la seconde période glaciaire. Enfin nous indiquerons les hypothèses proposées pour les expliquer toutes deux. Nous n’en adopterons aucune : elles prouvent une fois de plus combien la science est riche de faits et pauvre d’explications. Les questions de cause et d’origine feront éternellement le désespoir de la curiosité humaine. Un point d’interrogation, telle est l’invariable conclusion de ce genre de recherches.


CH. MARTINS.

  1. Petermann’s Geographische Mitheilungen, 1866, p. 469.
  2. Annual Report of the trustees of the Museum of comparative Zoologie at Harvard College, 1865 ; Boston 1866.