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de l’un et de l’autre agent. Ces doutes l’accompagnent quand il remonte la vallée de la Durance, dans laquelle descendait le dernier glacier du versant, septentrional des Alpes ; les terrasses qui bordent la rivière ont été évidemment, sinon déposées, du moins modelées par les eaux : de là leurs formes régulières comme celles d’un ouvrage de fortification ; mais, arrivé au village de Château-Arnoux, on est à l’extrémité de deux moraines latérales évidentes qui se prolongent des deux côtés de la Durance jusqu’à Sisteron. Pour achever la démonstration, on y trouve des cailloux rayés et on remarque sur la route des roches polies et striées, que les travaux de rectification ont mises à découvert. La ville de Sisteron elle-même est entourée de moraines ; la plus remarquable par le nombre elle volume des blocs qui la couronnent s’élève au nord de la ville, sur la route de Gap, avant la rivière du Buech, qui coule elle-même dans une vallée barrée par une grande moraine terminale découverte par M. Lory près du village de Veynes. Ce sont les matériaux accumulés dans les moraines et les terrasses de la vallée de la Durance qui ont fourni les innombrables cailloux qui recouvrent la Crau[1]. À cette époque, la Durance se jetait non pas dans le Rhône, mais directement dans la mer : elle traversait le pertuis de Lamanon, près de Salon, et la Crau n’est qu’un immense cône de déjection comme ceux dont M. Surrel a si bien décrit le mode de formation dans son remarquable ouvrage sur les torrens des Hautes-Alpes.


IV. — ANCIENS GLACIERS DU VERSANT MERIDIONAL DES ALPES.

Nous ne décrirons pas les anciens glaciers du versant méridional des Alpes avec les détails que nous avons donnés sur ceux du versant septentrional : ils ont laissé les mêmes traces et produit les mêmes effets ; nous nous bornerons à une esquisse générale où nous signalerons quelques points spéciaux, résultats de nos propres observations combinées avec celles de MM. Bartolomeo Gastaldi, Gabriel de Mortillet, T. Zollikoffer, Giovanni Omboni, Enrico Paglia et de l’abbé Stoppani.

A chacun des principaux cours d’eau du versant italien des Alpes correspondait un glacier qui s’est étendu dans la plaine. Le premier est celui de la Dora-Riparia dans la vallée de Suze. Dès qu’il a dépassé les lacs du Mont-Cenis et qu’il commence à descendre sur le versant italien, le voyageur se voit entouré de roches moutonnées, dont le poli et les stries rectilignes ne lui laissent pas de doute sur l’agent qui les a tracées ; arrivé dans la vallée de Suze, il reconnaît le terrain erratique dans toutes les tranchées du chemin

  1. Voyez sur la Crau l’ouvrage intitulé : Du Spitzberg au Sahara, p. 427.