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nom de Bloc-Monstre, repose sur une colline de gypse appelée le Montet. Ce bloc a 17 mètres de long, 16 de large et 20 de haut ; son volume est de 5,522 mètres cubes. La Pierre-Bessa, située à 130 mètres au-dessus du Bloc-Monstre, mesure 1,428 mètres cubes. En face du Montet, sur la rive gauche du Rhône, et à 130 mètres au-dessus du fleuve, nous trouvons près du village de Monthey une portion remarquable de la moraine latérale gauche du glacier rhodanien. C’est une bande de 3 kilomètres de long sur 100 à 250 mètres de large, jetée en écharpe sur les flancs calcaires de la montagne : elle se compose uniquement de blocs de protogine à grands cristaux de feldspath, originaires de l’épaule septentrionale du Mont-Blanc, qui borde le val Ferret. Quelques-uns sont monstrueux. Le plus gros de tous, la Pierre-des-Marmettes, à 20 mètres de long, 10 de large et autant de haut ; son volume est donc de 2,076 mètres cubes. Ce bloc, offert à Jean de Charpentier par le gouvernement du Valais, porte un petit pavillon entouré d’un jardin d’où l’on jouit d’une belle vue sur la vallée environnante. Un autre bloc, la Pierre-à-Dzo, formant un polyèdre irrégulier, est perché sur un bloc plus petit que lui et retenu sur la pente de la montagne par un fragment plus petit encore, que le poids de la Pierre-à-Dzo a séparé en deux. La Pierre-de-Mourguets, non moins curieuse, s’est fendue horizontalement en portant à faux sur une autre, et l’angle supérieur, détaché par le choc, gît sur le sol à côté de la masse principale, dont la longueur est de 21 mètres. Ces blocs de granite, de toutes les formes, de toutes les dimensions, avec leurs angles vifs et leur arêtes tranchantes, souvent entassés bizarrement les uns au-dessus des autres, au milieu d’un beau bois de châtaigniers, méritent l’attention de l’artiste comme celle du savant. Malheureusement le chemin de fer passe de l’autre côté du Rhône, et le voyageur, emporté par la vapeur, ignore les beautés pittoresques que le nom d’une station ne recommande pas à sa curiosité.

Parvenu à l’extrémité orientale du lac de Genève, près de Villeneuve, le glacier du Rhône s’épanouissait en éventail dans la Basse-Suisse, qu’il a couverte de fragmens erratiques arrachés aux montagnes valaisannes ; mais il a laissé d’autres traces de son passage. Les collines du Jorat, au-dessus de Lausanne et de Vevey, se composent d’un poudingue (gompholite, nagelflue des géologues suisses) formé par l’agglutination de cailloux de nature variée. Sur la route de Vevey à Fribourg, on peut voir cette nagelflue striée par l’ancien glacier du Rhône et couverte de débris erratiques : les granites du Valais, les grès grisâtres et rouges de Fouly, les poudingues de Vallorsine, les euphotides de Saas s’y trouvent mêlés aux gypses de Bex, qui ne sauraient y avoir été transportés par des eaux