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glacier et la roche encaissante, ont laissé sur ses parois les traces de leur passage. Après avoir traversé les vertes prairies d’Im-Grund, le voyageur arrive à un monticule calcaire appelé le Kirchet. La surface de cette éminence est entièrement parsemée de blocs d’un granite blanc, entassés souvent les uns sur les autres de la façon la plus bizarre : c’est la moraine frontale du glacier dont nous avons suivi les traces jusqu’ici. Dans sa période de retrait, il a fait une longue station sur le monticule du Kirchet, et a déposé ses blocs, comme il les dépose encore aujourd’hui, au pied de son escarpement terminal. Cependant le glacier de l’Aar s’est étendu encore plus loin, et sa limite extrême est autour de la ville de Berne ; c’est là qu’il a édifié ses dernières moraines. Quand on détruisit les remparts de l’antique cité, on s’aperçut avec étonnement que ces moraines avaient été utilisées, et entraient presque sans remaniement dans le système des fortifications de la ville.

Que le lecteur se transporte maintenant au sommet d’une vallée quelconque des Alpes, à la source des rivières et des fleuves : le Rhône, l’Arve, le Rhin, l’Aar, la Reuss, la Linth, l’Inn, le Tessin, les deux Doires, l’Adda et l’Adige ; qu’il descende la vallée, et partout il trouvera les traces du glacier qui l’occupait. Suivant la configuration de cette vallée ou la nature des roches qui l’encaissent, ces traces sont plus ou moins accusées, mais elles existent toujours, et en les poursuivant avec persévérance les géologues ont acquis la certitude qu’à une certaine époque toute la chaîne des Alpes était envahie par les glaciers, comme le sont encore aujourd’hui les montagnes du Spitzberg. C’est Jean de Charpentier qui le premier osa l’affirmer, et depuis sa mort cette vérité, si hardie au moment où il la promulguait, est devenue l’une des mieux établies de la géologie. Les anciens glaciers ne se sont pas bornés à remplir les vallées ; ils ont débouché dans la plaine et ont envahi tout le pourtour des Alpes. Nous allons les passer rapidement en revue ; mais, pour mettre de l’ordre dans notre exposition, nous parlerons d’abord des anciens glaciers du revers septentrional de cette grande chaîne, savoir ceux de la Suisse, de la Savoie et du Dauphiné.


III. — ANCIENS GLACIERS DU REVERS SEPTENTRIONAL DES ALPES.

Tout à fait au nord, nous trouvons d’abord le glacier du Rhin. Descendant à la fois des hauteurs du Saint-Gothard et du Piz Val-Rhein, où sont actuellement les deux sources du Rhin antérieur et du Rhin postérieur, les deux branches se réunissaient à Reichenau, dans les Grisons. La masse, produit de ces deux affluens, s’avançait alors vers Sarganz ; mais là elle se bifurquait : la partie