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Définissons maintenant les moraines. Sous l’influence des agens atmosphériques, la pluie, la neige, la chaleur, la gelée, le dégel, et des actions chimiques de l’oxygène et de l’acide carbonique, presque toutes les roches se décomposent, se désagrègent et s’écroulent. Les sommets sont des ruines. Ces débris, souvent énormes, tombent sur les bords du glacier. Si celui-ci était immobile, ils s’y entasseraient sans aucun ordre ; mais la progression amène dans la distribution de ces matériaux une certaine régularité. Les blocs, formant de véritables convois, se disposent sur le glacier en longues traînées parallèles à ses rives, ou s’accumulent au pied du talus terminal sous forme de grandes digues transversales : ce sont les moraines. Les unes, superficielles, c’est-à-dire étendues à la surface du glacier, se divisent en latérales ou médianes, suivant qu’elles sont sur les côtés ou au milieu du fleuve de glace. Les dernières enfin, concentriques à son escarpement terminal, reposent sur le sol à l’extrémité du glacier : on les appelle moraines terminales ou frontales. Tous les matériaux qui composent les moraines étalées à la surface du glacier, sable, cailloux, fragmens ou blocs erratiques gigantesques étant transportés doucement, sans secousse, par le mouvement insensible du glacier, conservent leurs arêtes tranchantes, leurs angles vifs, et ne présentent jamais les raies et les traces d’usure et de frottement qu’on observe sur les débris qui ont cheminé entre le glacier et les parois ou le fond de la vallée. Les cailloux frottés et rayés caractérisent donc les moraines profondes du glacier ; les fragmens et les blocs erratiques, anguleux, les moraines superficielles. Quand un glacier se fond et se retire, il laisse à découvert les cailloux rayés, le sable et la boue de la moraine profonde recouverts par des fragmens anguleux accompagnant les blocs erratiques des moraines superficielles et de la moraine frontale. Les roches encaissantes seront polies, striées et moutonnées. Si dans une vallée loin d’un glacier en activité nous trouvons tous ces signes pu presque tous, ces signes réunis, nous en conclurons invinciblement que jadis le glacier occupait l’emplacement où ils se rencontrent.

Pendant quelque temps, on a confondu les traces laissées par l’eau avec les effets produits par la glace. Cette confusion n’existe plus, l’observation en a fait justice. Tous les cailloux roulés par les torrens les plus, impétueux sont arrondis, lisses, polis, mais jamais rayés, de plus ils ne dépassent pas en volume quelques mètres cubes. Les roches sur lesquelles le torrent a passée ne sont ni striées, ni moutonnées ; elles sont creusées de cavités conoïdes ou de canaux irréguliers, sinueux et anastomosés entre eux, dont le fond et les côtes ne présentent aucune trace de burinage. L’eau polit les rochers, mais ne les raie pas.