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siège ; une seule caisse pourrait suffire à la recette et à la dépense. La principale objection à faire à ce projet vient de ce que le terrain n’est pas vierge, que de nombreux concurrens l’occupent à la satisfaction générale, et qu’un long temps s’écoulerait avant que les individus assurés contre les risques mobiliers plissent se dégager de leurs obligations envers les compagnies à primes, pour contracter avec une mutualité. Il n’en est pas de même pour les assurances en cas de décès : ici le champ est ouvert et l’horizon sans bornes. Dans le mince chiffre de 500 millions engagés pour toute la France dans les assurances sur la vie, Paris n’absorbe pas la totalité. En fût-il ainsi qu’une marge bien grande serait encore possible, si l’on pense aux développemens que ces opérations prennent dans les grandes villes. À coup sûr, la Société mutuelle de Paris, avec sa clientèle de 24,500 propriétaires, son entrée largement ouverte dans toutes les maisons, avec son renom d’administration économe, habile, désintéressée, grouperait en peu de temps autour d’elle un si grand nombre d’assurés que le succès ne serait pas douteux, même dès les premiers jours, et atteindrait bientôt des proportions telles que les autres compagnies en profiteraient à leur tour. L’exemple de l’Equitable prouve en effet qu’après un certain nombre d’associés la mutualité doit se modérer. L’abondance extrême des primes reçues rend le maniement des fonds si difficile, la multiplicité des calculs à faire pour équilibrer un trop grand nombre de chances dépasserait à un tel point les forces mêmes de ces actuaries ou calculateurs spéciaux dont l’Angleterre rémunère très largement les services, qu’une mutualité parisienne sur la vie, — comme au reste toute autre société trop prospère, — serait obligée de restreindre ses opérations et de renvoyer l’excès de sa clientèle aux autres sociétés. On pourrait dire avec raison que la création d’une association de ce genre serait un stimulant pour toutes les autres et le meilleur des enseignemens pour le public. Le temps n’est plus où des courtiers colportaient dans toutes les maisons des prospectus plus ou moins sincères. Le type le plus saillant de ces voyageurs en assurances n’a-t-il pas été cet agent d’une société anglaise qui passait ses journées entières à distribuer des réclames en omnibus, et dont la mort prématurée, garantie par une grosse somme, a été la meilleure réclame pour la compagnie elle-même ? Aujourd’hui aux annonces a succédé une publicité sérieuse et convaincue : il manque encore l’argument décisif d’un succès hors ligne. On n’a déjà plus besoin de prouver que les compagnies sont en pleine prospérité, c’est un fait acquis et qui plaiderait même en un sens contraire, il reste surtout à démontrer que les opérations d’assurances peuvent rapporter beaucoup aux assurés. Or ce succès,