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improprement de sociétés à primés fixes, peut convenir à un grand nombre de personnes et même offrir un terrain plus solide en apparence que tout autre système. Toutefois, si l’on en juge par l’exemple tiré du rapide accroissement des sociétés de secours mutuels en France, si nous consultons la tendance manifesté des esprits dans la classe industrielle, nous nous étonnerons que la mutualité n’ait pas encore fait une apparition sérieuse sur le théâtre des assurances en cas de décès. Tandis que l’on s’explique à merveille la décadence des sociétés tontinières, qui ne sont qu’une assez pauvre spéculation sur la mort du voisin, nous nous demandons comment l’idée de mutualité, qui a tant multiplié les sociétés de secours, qui a présidé en particulier à la formation de presque toutes les sociétés[1] qui garantissent l’exonération du service militaire, n’a point encore enfanté, pour éliminer les risques plus redoutables d’une mort prématurée, une mutualité aussi forte, aussi prospère que celle dont le but est de garantir à Paris les immeubles contre l’incendie.

Cette Société d’assurances mutuelles immobilières contre l’incendie mérite chez nous, dans son genre, la même popularité que l’Equitable en Angleterre. Elle peut être présentée comme un type de bonne administration et de grande réussite. De même que chez nos voisins la mutualité a été le premier système introduit pour assurer la vie humaine, en France c’est par la mutualité d’abord qu’on s’est garanti de l’incendie. La société dite la Mutuelle, fondée à Paris en 1816, a précédé en effet de trois ans la société d’Assurances générales, qui est à la fois une société d’assurances maritimes et une société d’assurances sur la vie et contre l’incendie. La Mutuelle comme l’Equitable a procédé avec simplicité et économie, elle n’a guère fait appel à la publicité, et ses progrès sont immenses. Elle assure près de 25,000 maisons à Paris, pour un capital de 3 milliards 200 millions de francs, prix des terrains non compris. Avant l’annexion des communes suburbaines à la capitale, on peut dire que presque tous les propriétaires de la ville étaient les cliens de la Mutuelle : au-delà du mur d’enceinte, elle a trouvé des concurrens sur cette zone qui lui était auparavant fermée ; mais il est probable qu’elle finira par tout absorber, car nulle compagnie ne peut offrir de pareils avantages aux assurés. Les bénéfices qu’elle procure à ses associés se résolvent en primes d’assurances moindres à payer, c’est-à-dire qu’en sus des frais d’administration réduits au strict minimum, sur lesquels même les économies faites sont consacrées à des œuvres de bienfaisance, la société ne poursuit

  1. Elles sont aujourd’hui au nombre de douze.