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promis. Depuis lors, la société ne répartit plus, que le tiers des bénéfices ; elle a réduit ses tarifs, restreint le nombre des associés et cependant il y a quelques années les sommes assurées dépassaient encore 9 millions 1/2 de livres sterling (202 millions de francs), et indépendamment d’un revenu annuel de 430,000 livres sterling (10,750,000 francs) elle possédait une réserve accumulée de près de 7 millions de livres sterling (175 millions de francs). Voilà ce que peut produire une mutualité sérieuse !

Théoriquement la mutualité est le système le plus irréprochable de toutes les associations humaines. Nous avons eu déjà l’occasion de le dire ici[1], le crédit tout entier, directement ou indirectement, repose sur la mutualité. La solvabilité de la Banque de France n’a pas de meilleur fondement que la solvabilité mutuelle des commerçans dont le papier passe à l’escompte. Le crédit de l’état n’a de valeur que par la régularité mutuelle du paiement des impôts. Les assurances de tout genre ne sont que des mutualités pures ou mixtes, lorsqu’à côté des co-assurés se groupent des actionnaires dont le capital versé comme garantie ne suffirait pas cependant à payer tous les risques, si la solvabilité mutuelle des assurés n’y suppléait. Aussi les sociétés d’actionnaires ont-elles rempli un devoir d’équité en admettant les assurés au partage des bénéfices ; mais l’existence de ce capital de garantie n’en a pas moins dans beaucoup de cas son utilité : il a servi notamment à acquitter les premiers frais d’établissement des associations, et permis d’attendre un succès qui ne s’obtient pas toujours très promptement. En effet, pour les sociétés mutuelles l’attente est impossible, il faut qu’elles réussissent tout d’un coup ; avec une clientèle trop faible, elles sont exposées à de trop grandes chances. Une première année pendant laquelle la mortalité sévirait cruellement parmi des associés mutuels peu nombreux ruinerait leur entreprise ; les engagemens ne pourraient être tenus qu’au prix des plus durs sacrifices. Avec un capital distinct, dit capital de garantie, il n’en est point ainsi. En outre, si l’intérêt le plus direct fournit les conditions d’une administration prudente, on conçoit que des actionnaires appelés à recueillir des bénéfices proportionnellement plus considérables que ceux des assurés eux-mêmes, et craignant de perdre leur capital spécial, se montrent plus sévères dans l’admission de nouveaux contractans, plus jaloux de constater leurs chances de longévité que ces mêmes assurés, dont après tout l’opération elle-même n’est pas l’affaire principale et le soin quotidien. À plusieurs points de vue, la combinaison sur laquelle reposent les sociétés de propriétaires, qualifiées

  1. Voyez la Revue du 15 Juin 1859, le Crédit mutuel.