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dont elles ne vous rendent qu’une partie, il reste à produire un dernier et décisif argument : reculez jusqu’aux limites du possible le terme de votre vie, mettez scrupuleusement en réserve la même annuité que celle dont le versement à une compagnie vous garantirait le paiement d’un capital déterminé, évitez toute chance de mauvais emploi de cette annuité, accumulez avec soin toute fraction d’intérêt, et posez enfin le total en face de celui qu’une compagnie vous aurait garanti, lequel serait accru du partage des bénéfices. La différence sera-t-elle bien grande ? Il est permis d’en douter ; en tout cas, vaudrait-elle le risque d’une mort prématurée, contre lequel vous n’auriez pas contracté d’assurance ? Si vous avez vécu de longs jours, vos héritiers auront plus ou moins à recevoir ; mais, si vous mourez jeune, ce ne sera ni moins ni plus, c’est néant que vous laisserez à votre famille.


III. — DE L’ASSURANCE MUTUELLE.

Dans les opérations dont nous nous occupons, s’il existe une certitude, c’est précisément celle qu’un prédicateur de cour exprimait devant Louis XIV en lui disant : « Sire, nous sommes tous, oui, presque tous mortels. » S’il est un calcul dont les données approximatives puissent s’obtenir facilement, c’est celui qui fixe la limite moyenne de la vie d’un certain nombre d’individus choisis dans de bonnes conditions d’existence. En partant de ce point, il n’y aurait nul inconvénient à exagérer l’étendue de cette limite, comme celle de la prime à verser pour constituer un capital exigible au décès de ces individus, pourvu que les erreurs commises ne profitassent qu’à eux et à chacun d’eux dans la juste proportion des risques courus. Tel est le problème que la mutualité a voulu résoudre, et nulle matière plus que celle des assurances en cas de décès ne comporte la mutualité ; mais, ainsi qu’on l’a vu, nos mutualités françaises ne répondent pas à leur titre : l’Equitable en Angleterre en demeure le type le plus accompli. Avec des tarifs élevés, des dépenses réduites au strict minimum, elle a pu, en 1810 par exemple, augmenter de 25 pour 100 les assurances contractées en 1800, de 180 pour 100 celles qui remontaient à 1780, enfin de 378 pour 100 les contrats qui dataient de 1762, année de la fondation de la société. Le 7 décembre 1809, l’assemblée générale des actionnaires avait décidé qu’on ajouterait 2 pour 100 par an à toutes les assurances qui seraient contractées pendant les dix années suivantes, et qu’à chaque période de dix ans on dresserait un inventaire pour distribuer le surplus des bénéfices. À cette occasion, les demandes d’admission furent telles qu’on dut revenir en partie sur les avantages