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philanthropes les plus éclairés ont accordé une approbation sans réserve aux combinaisons basées sur ces chiffres. Aucun livre plus que celui de M. Eugène Reboul[1] ne leur restitue leur vrai caractère d’opérations sûres, fructueuses et morales. Il nous suffira de rappeler sur quelles données de l’expérience, sur quelle masse de faits constatés le calcul des probabilités s’est appliqué à établir le montant des primes que les compagnies françaises perçoivent de leurs souscripteurs pour constituer des rentes viagères. Si la première table de mortalité est due à l’astronome anglais Halley, c’est sur celle de Deparcieux, membre de l’Académie des sciences, que nos sociétés opèrent. Deparcieux la dressa en 1746 d’après la durée de la vie de plus de 10,000 des anciens tontiniers de 1689 à 1742. Il releva exactement l’âge et le moment du décès de chacun d’eux et en induisit qu’à tel âge pris pour point de départ telle personne avait une chance moyenne de tant d’années d’existence. Sur cette donnée, les calculateurs établirent ce qu’il fallait payer aux sociétés pour qu’elles pussent, à l’aide des primes versées et des intérêts accumulés, servir sans chances de perte les rentes viagères assurées. Il va de soi que les sociétés n’avaient point à s’enquérir de la santé ni de la vitalité des souscripteurs, et que leur premier soin était de supposer cette vitalité la plus longue possible, pour exiger comme garantie la prime la plus forte. À ce compte, il n’est pas étonnant que la table de Deparcieux ait longtemps paru suffisante. Les tontiniers qu’il avait pris pour types étaient des bourgeois aisés, économes, prudens : il leur avait adjoint les membres de quelques communautés religieuses dont la sobriété et la régularité formaient des têtes de choix, Deparcieux dressa sa table, supposant pour plus de commodité un nombre rond de 1,000 personnes ; mais il ne prit pour point de départ que l’âge de trois ans. Sur ces 1,000 individus âgés de trois ans, la table de Deparcieux constate que 814 vivent encore à 20 ans, 657 à 40, 463 à 60, 310 à 70 et 118 à 80. Même à l’âge de 90 ans, on trouve encore 11 survivans ; c’est après 95 ans seulement que la mort a fait sa moisson complète. Cette table[2], ainsi admise pour règle,

  1. Études sur les Assurances.
  2. La table de Deparcieux, qui ne date que de la troisième année après la naissance, ne pourrait pas facilement être mise en regard des autres tables qui ont la naissance pour point de départ. On a dû, pour établir la comparaison, rechercher combien la survivance de 1,000 individus à l’âge de trois ans suppose de naissances trois ans plus tôt. L’Annuaire du Bureau des longitudes donne le chiffre de 1, 236. D’après les calculs de Kerseboom sur les tontiniers hollandais, il faudrait supposer 1, 359. naissances pour arriver au chiffre de Deparcieux. En raison de l’analogie entre les individus recensés par Kerseboom et Deparcieux, c’est ce chiffre de 1,359 naissances que nous prendrons plus tard pour nos rapprochemens entre les diverses tables comme le point de départ hypothétique de celle de Deparcieux.