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dettes passives et de coupons anglais. Le ministère Narvaez a un chef dont personne ne conteste l’énergie, des membres qui unissent à l’esprit de résolution une véritable éloquence, comme M. Gonzalès Bravo, ou l’intelligence des questions économiques, comme le ministre des finances, M. Barzanallana. Lui sera-t-il donné d’inaugurer en Espagne un ordre de choses nouveau, d’apaiser le pays, de donner la sécurité et l’élan au commerce et au travail, et de restaurer promptement les garanties constitutionnelles, sans lesquelles tout retomberait dans le désordre après un impuissant effort ? Le ministère Narvaez conservera-t-il aussi le concours de la couronne ? Voilà les questions que le présent pose à l’avenir, et que doivent envisager avec une attention bien sévère pour eux-mêmes des hommes qui n’ont pas craint d’invoquer la terrible raison du salut public.

Quel contraste entre la politique sommaire du gouvernement espagnol et celle d’un autre gouvernement aux abois, celui de l’Autriche. Le temps des procédés sommaires est passé pour la cour de Vienne. Tandis que les régimes d’unification s’improvisent à Berlin et dans le nord de l’Allemagne, on éprouve à Vienne des difficultés presque insurmontables à établir une sorte d’union et d’action commune entre les grandes populations de races et de langues diverses qui forment l’empire. On marche dans cette voie avec un système obligé de temporisation. On a donné la parole aux Hongrois ; il faut la donner maintenant aux diètes réunies des autres nationalités afin de parvenir à établir sur le consentement de tous l’action commune de la monarchie. Quel travail à entreprendre au lendemain des désastres et des humiliations de la défaite ! Si les races qui composent l’empire autrichien étaient animées d’un véritable esprit politique, elles pourraient mettre la main à une grande œuvre dans la délibération solennelle qui se prépare. Toutes ces races, les Magyars de Hongrie, les Tchèques de Bohême, les Polonais de Galicie, les Allemands des états héréditaires, devraient prendre en considération bien plus sérieuse les intérêts qui les rapprochent que les rivalités qui les divisent. Quel sort auront-elles, si elles amènent par d’invincibles antipathies la dissolution de l’Autriche, ou si elles perpétuent par leurs discordes sa décadence orageuse ? Placées entre la Prusse grandissante, la Russie envahissante et la Turquie menacée d’insurrections et d’anarchie, elles semblent avoir été destinées, par la loi du développement historique de l’Europe, à former le long du Danube une grande fédération qui ne pourrait disparaître sans laisser un vide immense et un gouffre profond. Il n’y a plus à parler aujourd’hui des vieilleries du passé, des vestiges du Saint-Empire, des ambitions politiques et militaires de la maison d’Autriche. Les nouveaux problèmes enlèvent toute opportunité aux souvenirs du passé, et tout sens aux vieilles dénominations. La question est maintenant de savoir si une grande fédération danubienne pourra être fondée, si ceux qui ont pour mission d’en faire partie seront assez pénétrés d’esprit moderne pour renoncer à des privi-