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procès des duchés. Elle ne se doutait point que quelques complaisances du cabinet de Paris pouvaient être capables de laisser constituer la grande Allemagne dans les cadres prussiens. La France n’avait rêvé, n’avait désiré, n’avait demandé à son gouvernement aucune de ces choses. Quelque jugement que l’on porte sur ces entreprises et ces accidens de notre politique étrangère, il faut convenir que, comme prévision, conception, volonté, la nation n’y a été pour rien. Le résultat pèse aujourd’hui tout entier sur elle ; mais elle peut se rendre le triste témoignage qu’elle a montré à l’égard des desseins qui ont déterminé la politique étrangère de son gouvernement la même abnégation, le même effacement auxquels elle s’était résignée dans sa politique intérieure.

Il importe de constater cette attitude passive gardée par la France à l’égard de la politique étrangère du gouvernement au moment où les effets de cette politique se présentent avec le caractère de l’accomplissement final. Les grandes affaires que nous ne pouvons plus apprécier aujourd’hui que par les charges qu’elles nous imposent ont ceci d’original qu’elles sont terminées : le Mexique est une expérience achevée, le remaniement de l’Allemagne qui a suivi la polémique sur la Pologne et l’imbroglio des duchés est une évolution arrivée au premier de ses termes décisifs. On dirait, au point de vue de la France, des cas complets de pathologie politique où le médecin peut embrasser et étudier en pleine connaissance de cause la marche et les conséquences de la maladie. Ne parlons plus du Mexique jusqu’à ce que le décès de l’empire mexicain ait été officiellement enregistré ; mais une circonstance récente ajoute un intérêt actuel au mouvement de politique européenne commencé en 1863. Le premier choc, dans ce grand ébranlement, a été produit par les affaires polonaises ; le dernier acte est marqué par la complète absorption de la Pologne dans l’empire de Russie, par l’abolition hardiment prononcée à Pétersbourg de cette forme où l’Europe, par un reste de pudeur, avait voulu conserver encore dans les traités la représentation nominale des droits de la nation polonaise. Nous revendiquions en 1863 les droits de la Pologne ; pendant une année entière, sous l’excitation morale d’une polémique diplomatique engagée par nous avec la Russie, les derniers champions de la Pologne se faisaient exterminer dans une lutte inégale avec un héroïsme que les survivans expient encore à l’heure qu’il est dans les cruautés de l’exil sibérien. Au moment où la Russie met à profit avec une opportunité si maligne nos déclamations contre des traités qui ont cessé depuis longtemps de nous opprimer, et en déchire avec une assurance impérieuse le dernier lambeau, qui n’était plus qu’un abri pour les Polonais, à cette heure humiliante et douloureuse les illusions des premiers jours de 1863 reviennent, par un retour poignant, à notre mémoire. Aux premiers symptômes de la lutte entre les Polonais et le gouvernement russe, M. de Bismark, qui venait de prendre la présidence du cabinet prussien, se hâta de conclure