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secours de toute espèce, les propositions qu’on leur fit échouèrent contre le plus aveugle fatalisme. À toutes les instances ils répondaient que leur sort était entre les mains de Dieu, et qu’ils se soumettaient avec résignation aux décrets de sa providence. Ces pauvres gens restèrent donc dans ce foyer pestilentiel. Le dernier d’entre eux est mort pendant la durée de mon séjour à Milo.

Dans une de mes excursions, j’ai parcouru les rues silencieuses de la cité déserte. La plupart des maisons sont renversées, les toits sont effondrés. Les habitans d’Adamantos, ville bâtie dans le voisinage à la fin de la guerre de l’indépendance par des réfugiés de Candie, viennent chaque jour fouiller au milieu des décombres pour se procurer des matériaux de construction. La ville de Zéphyria est pour eux une grande carrière de pierres taillées ; ils emportent ces débris non-seulement pour s’en servir eux-mêmes, mais encore pour les vendre. On les transporte dans tout l’Archipel et jusqu’à Constantinople même. La principale église est encore assez bien conservée, ainsi que quelques maisons voisines, qui ont été habitées par les derniers survivans ; mais dans un avenir prochain tout cela ne formera plus qu’un amas de ruines. Il ne restera de la cité que des palmiers plantés il y a plusieurs siècles, qui balancent dans les airs leur panache verdoyant et végètent avec vigueur dans les jardins en friche.

Au sortir de la ville, à mesure que l’on descend vers la mer, on voit la plaine perdre sa fertilité, et à 2 kilomètres environ du fond de la baie on n’aperçoit qu’une surface dénudée, semée à rares intervalles d’épaisses touffes de jonc. C’est là le foyer d’infection d’où s’échappent les miasmes qui ont été si funestes aux habitans de Zéphyria. L’humidité y est entretenue par des sources salées et froides qu’on y rencontre à chaque pas, et dont chacune a pour orifice une petite cavité circulaire isolée. Ces sources très peu abondantes ne fournissent qu’une sorte de suintement d’une eau bourbeuse au milieu de laquelle des bulles d’acide carbonique se dégagent continuellement. Plus près du bord de la mer, l’eau salée, jaillissant sur plusieurs points en grande quantité, forme un large ruisseau qui coule lentement vers la baie. Le dégagement d’acide carbonique y est encore très considérable, et la température s’y élève à 38 degrés. Pendant l’été, on conduit cette eau chaude et salée dans de larges bassins peu profonds où elle s’évapore rapidement aux rayons du soleil, et fournit ainsi la majeure partie du sel consommé en Grèce.

Aux alentours de cette plaine marécageuse s’élève un cercle de collines où l’on trouve une foule de points remarquables soit par la température élevée, soit par la nature des émanations qu’on y observe. En plusieurs endroits, il existe des grottes dont les parois sont tapissées par des cristallisations de gypse et d’alun délicates et soyeuses comme le plus fin duvet. Ce sont généralement d’anciennes exploitations d’alun abandonnées depuis longtemps. Souvent on n’y peut entrer qu’en rampant. Lorsqu’on pénètre jusqu’au fond, on s’y trouve ordinairement plongé dans une atmosphère