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de la mer (bien qu’exagérée par Strabon), les traditions locales conservées malgré les changemens de race, l’aspect spécial des blocs de lave qui couvrent les pentes extérieures de l’éminence, tout nous permet d’affirmer que c’est bien là le lieu de l’éruption dont le sol de Méthana a été le théâtre quelques années avant Jésus-Christ. En observant les parois du cratère, on s’explique même la différence apparente qui existe entre les récits d’Ovide et de Strabon. Voici la version d’Ovide :

« Près de Trézène, la ville de Pithée, s’élève une éminence escarpée, sans ombrage ; à l’endroit où elle se dresse, s’étendait jadis une longue plaine. Un jour, par un phénomène terrible, les vents violemment comprimés dans les entrailles de la terre essayèrent de se frayer une issue. Dans leurs prodigieux et inutiles efforts pour jouir d’un plus libre espace, leur prison ne laissant pas le moindre passage à leur souffle, ils tendirent et gonflèrent la surface de la terre, comme on gonfle une vessie ou une outre avec la bouche. Le sol conserva la forme d’une haute colline, et s’est affermi avec le temps[1]. »

Pour Strabon, voici comment il s’exprime :

« Aux environs de Méthana, dans le golfe Hermionique, une montagne de sept stades de hauteur jaillit sous l’action d’un souffle de feu. Pendant le jour, l’élévation de la température et une odeur de soufre empêchaient d’en approcher ; mais la nuit elle exhalait une bonne odeur, répandait au loin une grande clarté et une chaleur telle que la mer bouillonnait sur un espace de cinq stades, était encore trouble à vingt stades, et se montrait hérissée de rochers abrupts aussi hauts que des tours. »

Les deux écrivains, tout en rapportant très diversement les circonstances qui ont accompagné l’éruption de Méthana, s’accordent sur l’origine des phénomènes volcaniques, qu’ils attribuent l’un et l’autre, et à juste raison, à l’expansion des fluides élastiques emprisonnés dans les profondeurs de la terre. D’après Ovide, il y aurait eu un simple gonflement du sol ayant l’apparence d’une vaste ampoule ; aucune émission de laves, aucune projection de cendres, aucune apparition de flammes ne sont signalées par lui. D’après Strabon au contraire, outre la formation d’un cône volcanique très élevé,

  1. Est prope Pitheam tumulus Trœzena, sine ullis
    Arduus arboribus, quondam planissima campi
    Avea, nunc tumulus : nam, res horrenda relatu,
    Vis fera ventorum, cæcis inclusa cavernis,
    Exspirare aliqua cupiens, luctataque frustra
    Liberiore frui cœlo, quum carcere rima
    Nulla foret toto, nec pervia flatibus esset,
    Extentam tumefecit humuni ; ceu spiritus oris
    Tendere vesicam solet, aut direpta bicorni
    Terga capro. Tumor ille loci permansit, et alti
    Collis habet speciem, longoque induruit sevo.

    (Ovide, Métamorphoses, livre XV.)