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étroite langue de terre à la côte du Péloponèse, en face de l’ancien emplacement de Trézène et d’Épidaure. Méthana est célèbre par une éruption qui s’y est produite dans l’antiquité, en un lieu dont la situation exacte était ignorée de nos jours. Sousaki, Méthana, Milo, tels sont les endroits les plus intéressans au point de vue des recherches que j’avais entreprises, et dont je vais indiquer les principaux résultats.

L’isthme de Corinthe offre deux régions très distinctes. Dans la partie la plus rétrécie, à l’ouest, le sol est peu élevé au-dessus du niveau de la mer. Les couches qui en occupent la surface ont été tranquillement déposées au fond des eaux pendant la période tertiaire pliocène[1], et sont remplies de coquilles marines ; elles sont constituées par une roche calcaire très faiblement agrégée. La nature et la position des débris fossiles qu’elles contiennent montrent que le dépôt s’est fait sous une petite épaisseur d’eau. Par conséquent, à la fin de l’époque tertiaire, il existait encore une communication entre les deux mers ; mais le détroit qui séparait le Péloponèse du continent et en faisait une grande île était déjà resserré, très peu profond et garni de nombreux récifs de polypiers. Aujourd’hui, si les besoins du commerce maritime réclamaient le percement de l’isthme, cette opération ne présenterait aucune difficulté grave, car on n’aurait de déblais à effectuer que dans un sol facile à entamer. Autant la formation de cette région par voie de dépôt lent et régulier des terrains au fond de la mer est évidente, autant il est aisé de reconnaître que la partie occidentale de l’isthme a été remuée et désolée par les feux souterrains. C’est de ce dernier côté que se tournèrent mes recherches, et je résolus de me rendre d’abord à la soufrière de Sousaki. Bien que le guide que j’avais pris à Calamaki eût commencé par s’égarer et que nous n’eussions rencontré ni soufrière, ni dégagemens de gaz, ni un signe quelconque d’activité volcanique actuelle, cette première excursion ne fut pas complètement perdue. Le ravin profond où nous errâmes tout le jour est des plus pittoresques : il s’ouvre près de la route de Mégare à Calamaki, à 6 kilomètres environ de cette dernière ville, et s’étend vers le nord sur une longueur de plusieurs kilomètres. La largeur au fond n’excède jamais 50 mètres, et quelquefois le défilé se rétrécit tellement que l’on est obligé pour continuer sa route de marcher dans le lit du petit ruisseau qui le parcourt. Un bosquet de jasmins et de lauriers-roses forme le long de l’eau comme un jardin verdoyant et embaumé, que surmontent des roches dénudées, des escarpemens à pic de 200 mètres de haut, couronnés de maigres pins brûlés par le soleil. Ce site, d’un caractère grandiose, est d’un extrême intérêt pour le géologue. Dans les parties les plus élevées, les parois de la gorge sont formées par des bancs d’un calcaire jaunâtre. Plus bas se trouvent des agglomérations de cailloux roulés

  1. On appelle période tertiaire pliocène le temps écoulé pendant la formation de l’étage le plus récent du terrain tertiaire.