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l’Inde, grands connaisseurs, le préféraient à tout autre. Aujourd’hui bien des voyageurs passent probablement à Pointe-de-Galle sans voir trace d’aucun de ces colosses.


Par 5° lat. N., 71° long. E., île Malé (Maldives), 11 juin.

Bernardin de Saint-Pierre, qui n’aimait pas les officiers de marine, raconte quelque part que l’un d’eux, son compagnon de route de Lorient à l’Ile-de-France, écrivait sur son journal de bord : « Nous avons passé ce matin en vue de Ténériffe; les habitans m’en ont paru affables. » Avec la meilleure volonté du monde, il est peu de marins qui puissent parler avec plus de compétence des îles Maldives, par le travers desquelles nous nous trouvons. Beaucoup y passent, personne n’y mouille, et l’on se contente d’admettre, sur la foi du capitaine Moresby, l’hydrographe du groupe, que cet immense récif à fleur d’eau est habité par un peuple civilisé, habile dans l’art de la navigation. Pour moi, le nom de ces îles me rappelle un souvenir favori de mes lectures d’écolier, vieux volume poudreux et piqué des vers, imprimé à Paris en 1619 chez Samuel Thiboust, au Palais, en la galerie des prisonniers, et racontant « le voyage de François Pyrard de Laval aux Indes, Maldives, Moluques et Brésil, les divers accidens, aventures et dangers qui lui sont arrivés, tant en allant et retournant que pendant son séjour de dix ans en ce pays-là. » Si reculée que soit cette date, je ne crois pas que depuis lors aucun voyageur ait vu les Maldives d’aussi près que cet ami de ma jeunesse; nul au moins ne les a mieux décrites, bien qu’il soit plus connu à l’étranger qu’en France, tandis que la prose consciencieuse du capitaine Moresby n’a d’intérêt que par ses mérites nautiques. Pyrard au contraire se peint dans son livre aventurier hardi comme on en voyait alors, bâti à chaux et à sable au moral comme au physique. Parti de Saint-Malo en 1601 pour les Indes orientales, il se perdit sur les Maldives, y fut retenu cinq ans prisonnier, finit par s’échapper, parcourut une partie des mers de l’Inde, et ne rentra en France qu’en 1611 en passant par le Brésil. Sa finesse de Normand le tira de plus d’un mauvais pas pendant cette longue captivité aux Maldives, où il est amusant de voir fonctionner, sur l’îlot perdu de Malé, toute une miniature de cour orientale, avec roi, ministres, courtisans et dames du palais. Séparé tout d’abord de ses camarades de naufrage, Pyrard n’ose en laisser percer son regret vis à vis du roi, « ayant appris, dit-il, l’humeur des grands, qui est de ne vouloir endurer avec eux des personnes tristes et mélancoliques. » Aussi, lorsque plus tard une faute involontaire lui retire momentanément le bon vouloir du prince, il a soin de nous apprendre qu’il ne laissa point passer un jour des deux