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des Anglais d’attacher leur nom à cette restauration. Jusqu’ici malheureusement leurs études sont restées dans le domaine de la théorie, ou plutôt le gouvernement de la métropole a renoncé à entreprendre les travaux quand il a su que la digue de Padivil occuperait dix mille ouvriers pendant cinq ans, et qu’il en coûterait 32 millions de francs pour la relever.

Ceylan et Malacca ont connu les mêmes maîtres, traversé les mêmes phases depuis l’époque de la découverte. Les Portugais s’y établissent d’abord au commencement du XVIe siècle; vers le milieu du XVIIe les Hollandais les remplacent, et enfin les Anglais profitent des guerres de la révolution pour se substituer à ces derniers en 1796. Le régime hollandais a peu marqué le pays de son empreinte, tandis que les Portugais ont laissé dans l’esprit de la population des souvenirs dont la trace subsiste encore. Préoccupés des progrès de la foi plus que de ceux de leur commerce, ils peuvent s’honorer d’avoir fondé dans l’île un catholicisme qui a victorieusement résisté à deux siècles de domination protestante. Leur langage, un peu corrompu à la vérité, est resté celui des classes moyennes dans beaucoup de villes; en un mot, l’indigène semble avoir oublié leur cruauté pour ne se rappeler que la bravoure chevaleresque dont ils ont donné tant de preuves, et cela est si vrai que certains chefs non-seulement s’enorgueillissent encore de porter le titre de dom comme leurs ancêtres, mais qu’ils y joignent volontiers les noms pompeux et sonores du calendrier lusitanien. Neuf cents familles nobles portugaises habitaient Colombo lors de la capitulation qui fit passer la ville aux mains des Hollandais en 1656. Aussi peut-être, en y regardant de près, pourrait-on découvrir çà et là chez les Singhalais quelques traces de sang portugais, tandis que, grâce au ciel, aucun d’eux n’offrira la bouche torse ou le nez grotesque qui n’ont pas cessé de caractériser les Flamands depuis Téniers et Van Ostade. La domination portugaise ne fut cependant qu’un long combat qui se continua par intervalles pendant la période hollandaise, et il ne pouvait pas en être autrement tant que les colons, limités dans leur établissement aux plaines du littoral, étaient forcés de s’arrêter au pied de la région montagneuse qui formait le royaume intérieur de Kandy. Les Anglais ne réussirent à compléter cette conquête qu’à la paix de 1815. Le roi qui régnait alors, dernier héritier d’une couronne qui s’était transmise de souverain en souverain pendant 2,357 ans, se nommait Sri Wikrama Raja Singha ; déposé et enfermé dans la forteresse indienne de Vellore, il y vécut jusqu’en 1832. Ses sujets virent moins dans sa chute la perte d’une indépendance dont ils profitaient peu que le terme d’une tyrannie odieuse et détestée, car ce règne n’avait été qu’un long tissu des plus sanguinaires atrocités.